ALEXANDRE RODTCHENKO



LA PHOTOGRAPHIE de A à Z,  LES GRANDS PHOTOGRAPHES


Alexandre RODTCHENKO











 
 
 
 
 
 
Alexandre Rodtchenko (1891-1956) a certainement révolutionné l’art du regard. Peintre et photographe, il était l’un des fondateurs du constructivisme russe dans la première moitié du XXe siècle. Mondialement reconnu surtout pour son œuvre photographique, Alexandre Rodtchenko a inspiré et influencé des générations de photographes. 

Figure du constructivisme russe, Alexander Rodtchenko est un photographe et plasticien né en 1891 et mort en 1956. Galvanisé par la révolution, il va faire partie de l’avant-garde russe avec d’autres artistes comme les frères Gabo et Pevsner, Malevitch, Choukhov, et Lissitzky.

La photographie fera partie des outils de Rodtchenko mais le désir de l’avant-garde est clair : l’art va disparaitre dans l’utilité sociale, et l’artiste produire des outils qui célèbrent la beauté des objets industriels contre une culture bourgeoise de la dorure, de la moulure, de l’ornement. Les tsars sont encore au pouvoir pour quelques années seulement lorsqu’il sort de l’école en 1914, mais l’Europe est déjà en plein bouleversement. Il va traverser deux guerres et une révolution.
 Rodtchenko se consacre à la photographie. La société soviétique, galvanisée par les énergies libérées par la révolution russe, s’ouvre aux libertés artistiques et aux expériences sociales. Le regard d’Alexandre Rodtchenko introduit alors une rupture radicale avec la photographie de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il veut révolutionner le regard photographique en créant un « nouveau regard » capable de changer la société et l’homme. « Apparemment, seul l’appareil photo est capable de changer les hommes et la société », estime Rodtchenko. Il surprend le public avec des perspectives téméraires inhabituelles pour son temps, expérimentant de nouveaux angles de cadrage et des structures d’image inédites. Comme ses reportages sur la vie quotidienne à Moscou, montages très volontaires alliant texte et image. Pour autant, ces innovations esthétiques doivent servir une cause constructiviste en tant qu’expérience concrète de la vie, exprimant par là les visions d’une société nouvelle et libérant les énergies créatrices en l’homme. Aux yeux du nouvel Etat, Rodtchenko est un propagandiste de talent au service de la société soviétique, du moins jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Staline qui met fin à toute recherche expérimentale sur la forme. De plus en plus critiqué et même persécuté, il se retrouve rapidement dans l’impossibilité de travailler librement. Alexandre Rodtchenko meurt en 1956 au sein de sa famille à Moscou

« Nous devons expérimenter »


« Je ne peux pas croire que je ne serai plus, je vis...<br> et que tout ça restera »









"Il faut avoir le courage de montrer son itinéraire d'artiste, sans rien cacher, ni les erreurs, ni les fausses routes, ni les impasses dont on revient ; comme on montre les marches triomphales, qui sont si peu nombreuses (....) et de dire fièrement : "voilà mes chemins, voilà mes impasses, et voilà ma grand-route aujourd'hui." (Alexandre Rodtchenko)
Source : Aleksandr Lavrentiev, Rodtchenko et le groupe Octobre, Paris, Hazan, 2006, 4e de couv.






Alexandre Rodtchenko (1891-1956) a certainement révolutionné l’art du regard. Peintre et photographe, il était l’un des fondateurs du constructivisme russe dans la première moitié du XXe siècle. Mondialement reconnu surtout pour son œuvre photographique, Alexandre Rodtchenko a inspiré et influencé des générations de photographes. 
Après des études entreprises à l'école des beaux-arts de Kazan (entre 1910 et 1914 – où il découvre l'Art nouveau) puis à l'école des arts appliqués de Moscou (où il fréquente le cercle des cubo-futuristes dont Victor Tatline), Alexandre Rodtchenko décide de se lancer comme artiste. A ses débuts, il s'inspire du futurisme (en 1914, il participe à une soirée futuriste avec de Vladimir Vladimirovitch Maïakovski


Un art qui colle à son temps

La personnalité et l'art de Rodtchenko sont inséparables de l'environnement dans lequel il a vécu et d'abord de la vie d'un théâtre de Saint Pétersbourg où son père était accessoiriste. Toute son éducation est fondée sur la perception d'un monde contrasté semblable à celui dans lequel il a vécu : salle sombre, scène illuminée, salle vide le jour et pleine le soir, contraste encore entre la salle avec son public et ses applaudissements et les coulisses.

Ce monde d'illusions se retrouve dans la plupart des photographies qui prétendent dépeindre la réalité d'une société soi-disant réconciliée avec elle-même après la révolution. Dans un article consacré à l'artiste, la conservatrice du musée Léger de Biot, Brigitte Hedel-Samson, remarque que Rodtchenko est avant tout un citadin, un amoureux des villes. On comprend mieux dès lors son adhésion, qui paraît sans réserve dans son oeuvre, à la révolution marxiste-Léniniste, révolution ouvrière, essentiellement urbaine à la différence de la révolution maoiste en Chine.

La politique commandait

Nulle part dans la présentation de l'oeuvre de Rodtchenko n'apparaît son caractère politique, aujourd'hui, il est vrai, bien décalé par rapport à ces bouleversements politiques fulgurants que la Russie a connus depuis la fin des années 80. En ce sens, l'oeuvre de Rodtchenko devient un témoignage historique d'une époque révolue où la définition imposée de l'art lui assignait un objectif d'éducation des masses et se devait de concourir à la transformation de la société.

Ainsi les peintres peignaient, les sculpteurs sculptaient, les écrivains écrivaient toutes les illusions d'une époque pour forcer le bonheur en dépit de réalités accablantes qu'on ne voyait pas ou qu'on faisait semblant de ne pas voir. La politique commandait et l'art devenait un instrument asservi. Le mérite de Rodtchenko, au delà de ses propres illusions est de ne s'être jamais laissé artistiquement pervertir.












Dès 1924 et jusqu'à la fin des années trente, Rodtchenko se consacre uniquement à la photographie. Derrière ses soucis de forme se cache une recherche de sens, une véritable stratégie de l'image, qu'il a dû récuser dès 1931 face aux critiques conjuguées de l'avant-garde et du régime stalinien. Le passage en 1934 au "réalisme socialiste", dans lequel la création visuelle ne joue plus qu'un rôle secondaire face à la littérature et aux "ingénieurs de l'âme", met fin aux rêves d'institutionnalisation d'une avant-garde qui avait mis ses remarquables capacités créatives au service d'une utopie désormais meurtrière.

Le thème inédit de la femme est resté pour Rodtchenko un sujet de prédilection. Au-delà de la seule beauté plastique, l'ensemble de ces photographies permet d'approcher de près le milieu de l'avant-garde soviétique et de mieux comprendre l'évolution photographique personnelle de Rodtchenko. Il touche à la question du rôle - réel ou mythique - des femmes dans le contexte politique de la Russie soviétique. Entre les théories révolutionnaires de l'amour libre et la réalité des relations amoureuses soviétiques, il y a le suicide du poète Maïakovski, terrible et dramatique métaphore du malentendu dans lequel l'avant-garde artistique s'est perdue.

Les femmes artistes proches des constructivistes, celles qui partagent l'intimité de Rodtchenko - sa femme Varvara Stepanova et Evguenia Lemberg - et celles qu'on regarde dans leur rôle public forment trois thèmes présentés sous le titre de l'enjeu. Qu'il soit intime et amoureux, idéologique et artistique, politique et officiel, cet enjeu est manifeste dans les photographies de Rodtchenko et permet de saisir un destin complexe d'artiste russe dans le devenir soviétique.









 
Le déséquilibre dans la composition de ses images (photographies comme collages) est absolument caractéristique de son époque. Initié par la figure légendaire de Malevitch, cette méthode de construction se retrouve en peinture (Lissitsky) et même en architecture (Tatline). Elle imprime un mouvement, un basculement, qui se doit d’être imprimé sur toute la société. La plongée et la contre-plongée sont aussi là pour signifier une rupture avec la stabilité de la peinture traditionnelle, la fenêtre sur le monde et sa staticité. Des cadrages nouveaux, permis par le médium photographique, renforcé par une mobilité nouvelle : l’avion, récemment apparu dans les cieux, ouvre une perspective nouvelle, fait découvrir la terre avec des perspectives inédites.








On y voit une population heureuse d’un ordre nouveau, photographiée en contre-plongée ou en plongée, exprimant avec joie un désir de changement, au collectif, au travail et au rassemblement des forces dans la joie.
La notion de propagande, évidente dès les premières images, n’est pas encore entachée par ce qu’en fera la deuxième guerre mondiale : un outil machiavélique de manipulation des foules. C’est un outil de propagation, jusqu’au confins d’un pays gigantesque, d’une politique qui semble pour l’élite dont fait partie Rodtcheko, émaner du peuple lui-même. Amplifier et amener cette révolution dans tous les aspects de la vie est la mission que se donne Rodtchenko.































Les années 30’ et les années de guerre vont briser les rêves de sa génération et tuer la plupart des volontés révolutionnaires des constructivistes.
Le groupe "Octobre" dont fait partie Rodtchenko, et qui rassemble les photographes les plus enthousiastes et novateur du moment, se voit critiquer par le parti comme petit-bourgeois, formaliste et pas assez impliqué politiquement. Conformément aux méthodes politiques de l’époque, le groupe doit faire son auto-critique. Rodtchenko, qui ne se montre pas docile, se fera expulser. Staline et ses purges vont accentuer une politique répressive et autoritaire au nom d’une stabilisation politique.
Les artistes vont devoir faire le grand écart : se proclamer contre l’esthétique occidentale bourgeoise et revenir à une représentation traditionnelle, celle du réalisme socialiste. Rodtchenko réalisera dès lors nombre de commandes d’état, notamment la construction du canal Baltique-Mer Blanche, des ballets aquatiques et des démonstrations de gymnastique avec un formalisme évidé de toute pensée, ce qui lui sauvera la peau. C’est toujours ça.



Le rôle de la femme dans une société en révolution, par exemple, trouve des échos dans le travail de Rodtcheko comme dans l’art et la culture des années 30’. Mère, femme indépendante, éducatrice, travailleuse, les photographies de Rodtchenko montre tous ses aspects en laissant sciemment de côté le bel objet de la représentation bourgeoise. La beauté est discrète, la volonté et l’engagement lui sont préférés.






Mais à partir de 1928, Rodtchenko fut de plus en plus l'objet de critiques. « Subversif » et « formaliste bourgeois », c'est ainsi que le magazine Sovetskoïe Foto le décrivit à peine les premiers exemplaires de ces travaux parus dans le magazine Novyi LEF. Il fut accusé d’être un adepte de la photographie expérimentale de Moholy-Nagy et de Man Ray. En toile de fond politique se dessine une instrumentalisation plus forte de la photographie comme outil de la communication de masse socialiste, qui était censée être « lisible » de façon univoque. Les rédactions soviétiques exigèrent le retour de la photographie traditionnelle de paysages, de portraits ou de la photographie documentaire. En 1930, Rodtchenko se sentit obligé de démissionner de son poste de professeur aux Vkhoutemas et fut exclu en 1931 du groupe Octobre, créé en 1928 au sein du Novyi LEF.


Dans les années 1930, Rodtchenko collabora avec son épouse Varvara Stepanova comme rédacteur de plusieurs numéros au magazine SSSR na stroïke (L’URSS en construction). En 1933, il se rendit en Carélie pour un numéro spécial du magazine sur la construction du canal de la mer Blanche, qui devait être construit en 500 jours, en majeure partie par des détenus. À l'époque des grands procès-spectacles des années 1930, il recommença à peindre, principalement des motifs issus de l’univers circassien, qu'il photographia également. Un numéro spécial du magazine SSSR na stroïke devait être consacré au cirque en 1940, mais la seconde guerre mondiale éclata et il ne fut jamais réalisé. Après la guerre, dans un état de santé déjà précaire, il expérimenta la photographie en couleurs et travailla comme designer. Le 3 décembre 1956, Alexandre Rodtchenko s'éteint à Moscou.






Alexander Rodchenko

L’inventeur de la structure photographique
































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