CAPA, TARO, CHIM-LA VALISE MÉXICAINE



La Valise mexicaine - Capa, Taro, Chim
Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole


Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) présente pour la première fois à Paris - après New York (ICP 2010), Arles (Rencontres internationales de Photographie, 2011), Barcelone, Bilbao et Madrid - la légendaire valise mexicaine de Robert Capa contenant des négatifs de la guerre d’Espagne dans une nouvelle scénographie conçue par Patrick Bouchain, du 27 février au 30 juin 2013.

Redécouverte de cette valise. L’annonce officielle en 2008 de la redécouverte de cette valise – constituée en réalité de trois petites boîtes –, dont la trace avait été perdue depuis 1939, a provoqué un engouement considérable dans l’univers du photoreportage et de la recherche historique. Après plus de soixante-dix années de pérégrinations rocambolesques et de péripéties diverses, elle révélait son extraordinaire contenu : 4500 négatifs d’images de la guerre civile espagnole, prises entre 1936 et 1939 par Gerda Taro – compagne de Capa tragiquement disparue en 1937 pendant la bataille de Brunete –, David Seymour, dit Chim et Robert Capa. On y trouve également des clichés du photographe et ami Fred Stein, représentant Taro, des images qui sont devenues, depuis la mort de celle-ci, intimement liées aux images de la guerre elle-même. Une manne de documents en très bon état de conservation, et pour une large part totalement inédits, déployant le panorama détaillé d’un conflit qui a changé le cours de l’histoire européenne.


C'est une "valise" légendaire qui avait disparu : celle du photographe Robert Capa (1913-1954). Contenant des milliers de négatifs de la guerre d'Espagne, elle était considérée comme étant perdue depuis 1939. Le précieux bagage a resurgi au Mexique en 2007. Il contenait des images de Capa, mais aussi de sa compagne, Gerda Taro, morte en 1937, et de David Seymour, dit Chim. Et ce sont finalement des boîtes en bois que l'on découvre en ouverture du parcours, contenant des pellicules enroulées… L'épopée de la guerre d'Espagne s'ouvre alors à travers le regard de ces photographes et les tirages de leurs planches contacts fichés aux murs. Et les épreuves plus grandes mises en abyme au côté des magazines de l'époque... Une histoire extraordinaire où se mêlent l'engagement, la propagande, le poids des hommes et des images.
Bénédicte Philippe



LA PASIONARIA. Dolores Ibarruri (1895-1989) signa son premier article publié en 1918 sous le nom de plume La Pasionaria, «Fleur de la Passion». Cette communiste révolutionnaire a donné son visage austère à la guerre civile espagnole. C'est Chim qui fut probablement chargé par Regards de la photographier, à l'occasion de son voyage du printemps 1936 en Espagne: ses images parurent en quatrième de couverture du numéro du 6 août 1936. «Les origines ouvrières d'Ibarruri et la pauvreté de son enfance forment le pivot de son identité», explique Daniel Kowalsky (in «L'image de la Pasionaria dans la valise mexicaine»). Elle naît le 9 décembre 1895, à Gallarta, cité minière du Pays basque espagnol au nord-ouest de Bilbao, «creuset de rebelles et de luttes quotidiennes, de réactionnaires parmi les plus extrêmes, de fanatisme moyenâgeux et de supersition», selon son autobiographie. Ses parents misérables la mettent au travail, dès quinze ans, comme servante. Vie privée tragique: mariage sans amour, mort en bas âge de quatre de ses six enfants victimes de la pauvreté, de la malnutrition ou du manque de soins. Vie politique brûlante: incarcérée quatre fois avant la guerre civile pour son activité militante, elle est portée aux Cortes par les élections de février 1936. Crédits photo : Couverture de «Regards», 6 août 1936 © International Center of Photography


LA VALISE MEXICAINE, UN TRÉSOR EN FILM ET EN CARTON. Comment les 4500 négatifs disparus depuis 1939 du jeune trio d'Espagne, Capa, Taro et Chim, réapparurent près de 70 ans plus tard au Mexique? Le scénario est aussi clair que celui du Faucon maltais, film inextricable de John Huston (1941) d'après le roman policier de Dashiell Hammett (1929). Robert Capa les laissa, en 1939, dans son atelier de la rue Froidevaux, à Paris. Son ami et compatriote, le photographe Emeric «Csiki» Weisz les emporta peu après avec lui à vélo jusqu'à Bordeaux, les confia à un ami de rencontre, un Chilien et un sympathisant. «Nous savons qu'à un certain moment , la Valise fut confiée au général Francisco Javier Aguilar Gonzalez, l'ambassadeur mexicain auprès du régime de Vichy en 1941-42, mort en 1972. Nous ne savons ni quand ni en quelles circonstances cela arriva», note Cynthia Young , conservatrice des Archives Robert et Cornell Capa (ICP). «Nous ignorons si Aguilar reçut les négatifs en connaissance de cause ou s'il n'avait pas la moindre idée de leur signification (ou même s'il les a jamais eus entre les mains). C'est peut-être parce que la valeur de ces négatifs était connue qu'ils n'ont pas été perdus ou détruits. Ou l'inverse», suppute cette historienne de la photographie qui s'est attelée au formidable processus d'identification de ces 4500 négatifs, classés ni chronologiquement ni par photographe. Crédits photo : Boîte rouge de la valise


RENDRE À TARO CE QUI N'ÉTAIT PAS À CAPA. «La première difficulté, quand on veut étudier le travail de Gerda Taro (1910-1937), c'est de le distinguer de celui de son collègue et compagnon, Robert Capa», souligne Kristen Lubben qui a décortiqué leReportage Capa & Taro dans la tourmente de la guerre d'Espagne. Dans l'exposition fort pédagogique du Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, la présence de Capa et de Taro est signalée par un triangle outremer et un losange mauve. Deux points qui paraissent petits vu l'énorme échelle de la péninsule ibérique. Après comparaison des négatifs et des tirages, la lecture critique des commentaires au crayon sur la boîte rouge, chaque auteur a retrouvé son regard. La valise mexicaine contient près de 800 négatifs de Gerda Taro, dont la vie s'est arrêtée en juillet 1937 à Brunete, non loin de Madrid. Victime accidentelle d'un char républicain, ce petit bout de femme porté par ses idées et sa jeunesse est devenue la première photoreporter morte au combat. Les photos publiées ou tamponnées au dos «Capa & Taro» concernent deux moments forts de la guerre civile espagnole: les tranchées autour de la Cité universitaire à Madrid, en février 1937, et les funérailles du Général Lukacs à Valence, en juin de la même année (notre photo). Alors que Capa colle littéralement à l'action, Taro regarde la mort en face, isole l'individu de la masse et compose un tableau en puisant directement dans la condition humaine. Crédits photo : «Spectateurs de la procession funéraire du Général Lukacs

LA NAISSANCE DE L'IMAGE DU RÉFUGIÉ MODERNE. «Des images dramatiques de personnes déplacées, on en trouve des centaines dans la Valise mexicaine, bien au-delà du seul exode massif des républicains pendant les derniers mois de la guerre», souligne Sebastiaan Faber. «De toute évidence, quelque chose dans ces réfugiés attira d'emblée le regard de Capa, Chim et Taro, eux-mêmes Juifs en exil, connaissant l'exode et ses épreuves. Les images des réfugiés d'Espagne se sont avérées extraordinairement choquantes auprès de la rédaction et des lecteurs de Life, de Regards, de Vu, de Ce Soir ou du Picture Post. Ces scènes nous sont devenues si familières qu'elles semblent des clichés - les longues colonnes de civils charriant tout ce qu'ils peuvent physiquement porter, les hommes émaciés mais encore combatifs parqués dans des enclos de fortune, les victimes anonymes fixant l'objectif à travers des clôtures de barbelés... Tout cela était encore, dans les années 1930, d'une nouveauté déroutante», note l'historien. Les premières analogies firent référence à la Bible. «Parmi les plus poignantes des photographies exhumées de la valise mexicaine, quelque 300 clichés correspondant au passage de Capa dans les camps d'internement français, en mars 1939. Images choquantes, non tant en raison de l'état physique des réfugiés et de leurs conditions de vie atterrantes, même parce que ceci se passe au coeur même de la civilisation européeenne». Seul le Picture Post, pro-républicain, en publia 24 sur quatre double pages en avril 1939. Crédits photo : «Exilés républicains emmenés vers un camp d'internement


LA MADONE À L'ENFANT DE BADAJOZ. Le plus discret du trio s'appelle David Szymin, dit Chim (1911-1956). Fils d'un éditeur de livres en yiddish, ce jeune Polonais a étudié à Leipzig en Allemagne, puis à la Sorbonne. Comme Fritz Lang, le cinéaste viennois deMetropolis, film de science-fiction humaniste (1926) qui suit la descente aux enfers mécaniques des ouvriers dans les souterrains de la ville, ce lettré zoome sur les questions sociales . Dès 1932, il publie dans Ce Soir et Regard, deux journaux communistes. Lors de son premier voyage en Espagne au printemps 1936, il s'arrête à Badajoz en Extramadure, pour assister à un meeting sur la réforme foncière, thème majeur des élections. Il prend cette photo d'une mère écoutant tout en allaitant son enfant. Icône immédiate. Elle sera publiée le 14 mai 1936, dans Regards, avec un autre reportage sur les paysans de cette terre si pauvre qu'elle a fourni dans son histoire bien des conquistadors. En 1937, elle fait la une de Madrid au sein d'un photomontage où l'on voit cinq avions noirs survolant cette femme du peuple et une bombe nazie descendant comme un glaive du ciel bleu, assombri par de lourds nuages explicites. Crédits photo : «Femme avec un bébé écoutant un discours politique

LES AMOUREUX DE L'OBJECTIF. Au milieu des années 1930, les réfugiés politiques fuyant les mâchoires d'acier du nazisme arrivent en nombre à Paris, «se retrouvent dans les cafés de Montparnasse où ils se lancent dans d'âpres débats sur l'extension du fascisme en Europe et vilipendent la complaisance des Français», raconte Rosemary Sullivan, dans Capa, Chim, Taro, La valise mexicaine (2 volumes chez Actes Sud, 85,20 €). Parmi eux, trois jeunes gens. Le Hongrois Endre Friedmann, l'Allemande Gerta Pohorille et le Polonais David Szymin qui allaient bientôt se faire connaître respectivement sous le nom de Robert Capa, Gerda Taro et Chim. Survivre en tant que réfugié à Paris n'était pas chose facile: il fallait se montrer débrouillard, habile, fluide comme l'anguille. Capa écrit à ses proches restés en Hongrie: «Les conditions sont devenues terribles à Paris et nous autres étrangers sommes moins acceptés de minute en minute». Fille de bonne famille de la bourgeoisie juive de Stuttgart, Gerda Taro, proche des communistes, est arrêtée et emprisonnée lorsque Hiltler vient au pouvoir, en 1933. Fred Stein vivait à Dresde lorsque l'édit anti-juif des nazis l'empêcha de faire son barreau. Exilé à Paris avec sa jeune épouse Liselotte, il a un Leica dans sa valise et ouvre le «studio Stein». Gerda Taro loue une chambre dans leur appartement. La salle de bain qu'ils partagent est aussi leur chambre noire. Appelé à devenir un brillant portraitiste, Fred Stein laisse dans «La valise mexicaine» des portraits de Gerda, garçon manqué et petit renard roux. Son amour et son compagnon de reportage les garda précieusement après la mort de la jeune femme, à 27 ans, en juillet 1937 à Brunete (Espagne).... Dans cette «valise mexicaine», pleine de bruit et de fureur.

 Crédits photo : «Gerda Taro et Robert Capa sur la terrasse du café Le Dôme à Montparnasse - Paris, début 1936» par Fred Stein © Estate of Fred Stein - International Center of Photography


POUR QUI SONNE LE GLAS. Le 5 novembre 1938, à Mora d'Ebre sur le front d'Aragon, Robert Capa et un groupe de journalistes américains et britanniques - Herbert Matthews, Vincent (Jimmy) Sheean, Henry Buckley et Ernest Hemingway - rendent visite au général Enrique Lister dont la 5e armée contient alors sur l'Ebre l'offensive nationaliste vers la Catalogne. Sur la façade de l'hôtel Tryp Gran Via, à Madrid, une plaque rappelle qu'Hemingway a écrit, en 1936, ses meilleures chroniques sur la guerre civile espagnole et y a puisé matière à son roman, Pour qui sonne le glas (1940). Hemingway, qui durant la Première Guerre mondiale s'est engagé sur le front italien (L'Adieu aux armes), aime passionnément l'Espagne, s'inquiète de la montée des fascismes en Europe, veut payer de sa personne. Il ne fait pas que donner 40.000 $ à l'Espagne républicaine pour l'achat de matériel sanitaire. Par Paris, Toulouse et Barcelone, il rejoint Madrid comme correspondant de guerre de l'association des journalistes américains. En 1938, en collaboration avec Joris Ivens, il écrit le commentaire du film The Spanish Earth (Terre d'Espagne). Crédits photo : «Le général Enrique Líster et Ernest Hemingway (à droite)


«L'ESPOIR» SUR LE FRONT CATALAN. Moins de deux mois avant que l'armée franquiste ne s'empare de Barcelone, Capa suit l'ultime défense du général Lister et de sa 5e armée sur le front de Catalogne. On voit, sur ce reportage, André Malraux qui s'était impliqué très tôt dans la guerre «en recrutant des pilotes français», insiste la somme photographique publiée chez Actes Sud. Des extraits de son livre sur la guerre d'Espagne, L'Espoir, furent publiés dans Ce soir, à la fin 1937, illustrés de photos de Capa, Chim et Taro. «Vers la fin de 1937, quand Malraux publie L'Espoir, la guerre d'Espagne n'est ni perdue ni gagnée», analyse Pierre Campion dans la Revue d'histoire littéraire de la France. «Pendant toute la dictature de Franco, et jusqu'à maintenant, les lecteurs lirontL'Espoir comme la chronique d'une catastrophe non annoncée et cependant inévitable, d'autant plus véridique et émouvante que le romancier ne savait pas la fin». Un écrivain est un magicien. «Cette mort qui descendait au hasard faisait horreur à Shade. […] La guerre était la guerre ; ceci n'était pas la guerre. […] Shade pensait à ce qu'il avait entrevu ou noté, aux couverts dressés dans les maisons en coupe, à un portrait au verre étoilé au-dessus d'un petit jet de sang, à un costume de voyage pendu au-dessus d'une valise, - préparatifs pour l'autre monde - à un âne dont on n'avait retrouvé que les sabots, aux longues traces de sang d'animal poursuivi laissées sur des trottoirs et sur les murs par les blessés du Palace, aux civières vides, une tache à la place de chaque blessure», écrit ce grand personnage français, mort en recordman des décorations étrangères (41!). Peu séduits par sa «mythomanie géniale», les allergiques rappellent que Malraux n'avait aucune compétence militaire,ayant été réformé de façon définitive, pour troubles nerveux, en 1923. Il ne savait ni piloter un avion, ni conduire une voiture, ni même faire du vélo. Crédits photo : «Le général Enrique Líster et André Malraux (à droite), front catalan, fin décembre 1938 début janvier 1939» par Robert Capa © International Center of Photography / Magnum Photos Coll. International Center of Photography


EN IMAGES - Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme accueille cette exposition historique autour du photographe et sa «valise mexicaine» constituée de 4500 négatifs disparus depuis 1939.


» Robert Capa et le mystère de la «valise mexicaine»
Exposition au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, Paris IIIe, jusqu'au 30 juin.





Un exceptionnel intérêt documentaire. Ces films et clichés racontent aussi l’histoire de trois célèbres photographes juifs, totalement investis dans la cause républicaine, qui, au prix de risques considérables, ont jeté les bases de la photographie de guerre actuelle et donné ses lettres de noblesse au photoreportage engagé. Portraits, scènes de combat, images rappelant les effets terribles de la guerre sur les civils : si certaines de ces oeuvres nous sont déjà familières grâce à des tirages d’époque ou des reproductions, les négatifs de la valise mexicaine, présentés ici sous la forme de planches-contact agrandies, dévoilent pour la première fois l’ordre de la prise de vue, ainsi que certaines images totalement inédites.
Publiée chez Actes Sud. l’édition en deux volumes de La Valise mexicaine – sous la direction de Cynthia Young, ICP, New York – présente l’intégralité des films miraculeusement retrouvés, ainsi que des documents d’époque, des textes et des analyses critiques rédigés par les meilleurs spécialistes.
L’exposition en 32 tableaux. L’exposition est rythmée par 32 sections offrant un véritable panorama de la guerre civile espagnole. Elle s’ouvre sur les boîtes de la « valise » et sur deux des carnets de contacts créés par Capa, Taro et Chim durant la guerre civile espagnole. Ces derniers montrent toute l’étendue des sujets couverts par les trois photographes. Ils étaient employés notamment dans un but promotionnel à destination des directeurs artistiques. Ils constituèrent également un instrument de travail précieux en contribuant à confirmer l’identification des films de la Valise et à rétablir la séquence originale des films mélangés. Huit de ces carnets sont conservés aux Archives nationales de Paris ; un autre se trouve dans les archives de l’ICP.
Les années parisiennes de Capa. En point d’orgue, à mi-chemin du parcours seront évoquées les années parisiennes de Capa à travers quelques objets retrouvés au début des années 1980 dans un grenier du 37 rue Froidevaux – adresse à laquelle Capa séjourna pendant cinq ans –, ainsi que des photos de Fred Stein représentant Robert Capa et Gerda Taro à Paris.
  • Robert Capa (Budapest, 1913 – Thai Binh, Indochine, 1954). Né Andre Friedmann, Robert Capa est l’un des plus célèbres photojournalistes du XXe siècle. Il quitte la Hongrie et sa famille, des tailleurs juifs de Budapest, à l’âge de dix-sept ans, pour cause d’activités gauchistes, et se réfugie à Berlin. Il s’inscrit à la Hochschule für Politik et étudie le journalisme. Sans ressources ni profession, et avec peu de connaissances en allemand, il se tourne vers l’appareil photo pour gagner sa vie. En 1933, il s’installe à Paris, où il rencontre Chim, Stein et Taro. Il se fait rapidement connaître par ses photographies de la guerre d’Espagne, caractérisées par une proximité viscérale avec l’action, rarement vue auparavant. Au fil des pellicules retrouvées dans la valise mexicaine, on peut observer Capa se déplacer avec ses sujets, courir après l’action, essayer de comprendre et de ressentir les événements de la même manière que ses sujets. En 1947 Robert Capa fonde l’agence Magnum Photos avec Henri Cartier- Bresson, Georges Rodger et Chim (David Seymour).
  • Gerda Taro (Stuttgart, 1910 – Brunete, Espagne, 1937). Ce fut l’une des premières femmes photojournalistes reconnues. Née Gerta Pohorylle, élevée à Leipzig dans une famille juive de classe moyenne, elle choisit de s’exiler à Paris en 1933, où elle rencontre « André » Friedmann et se lance dans la photographie. Au printemps 1936, ils se réinventent pour devenir Robert Capa et Gerda Taro. En août de la même année, ils partent pour l’Espagne en tant que photographes indépendants dans le but de documenter la cause républicaine pour la presse française. Pionnière du photojournalisme, elle consacre sa courte carrière presque exclusivement à la photographie dramatique des lignes de front de la guerre d’Espagne. Son style se rapproche de celui de Capa, mais diffère par son intérêt pour les compositions formelles et le degré d’intensité avec lequel elle photographie des sujets morbides. Taro travaille aux côtés de Capa, avec lequel elle collabore de près. Lors d’un reportage sur la bataille de Brunete, conflit décisif de la guerre d’Espagne, elle est mortellement blessée par un char. Taro fut la première femme photographe tuée lors d’un reportage de guerre.
  • Chim (Varsovie, 1911 – Suez, 1956). De son vrai nom Dawid Szymin, grandit dans une famille d’intellectuels et d’éditeurs de livres en hébreu et en yiddish. En 1933, après avoir étudié les arts graphiques à Leipzig, il s’oriente vers la photographie pour gagner sa vie en poursuivant ses études à la Sorbonne. Bientôt reconnu pour ses photographies fortes des événements politiques liés au Front populaire, il collabore régulièrement avec le magazine communiste français Regards. Comme Capa, il couvre la totalité de la guerre d’Espagne. Mais contrairement à Capa et à Taro, qui cherchaient à faire des prises de vue sur la ligne de front, la grande force de Chim est de s’intéresser aux individus en dehors du conflit, qu’il s’agisse de portraits officiels de personnages importants, d’images de soldats sur le front intérieur ou de paysans au travail dans des petites villes. À l’écoute de la politique complexe de la guerre, ses images sont chargées de sens et de nuances. Il est avec Robert Capa l’un des quatre fondateurs de l’agence Magnum Photos en 1947.
PREMIERS JOURS au MAHJ : la Valise mexicaine, photos retrouvées de Capa, Taro et Chim couvrant la Guerre d’Espagne




Quelle histoire ! La valise de Robert Capa contenant des négatifs de la guerre d’Espagne, laissée rue Froidevaux en 1939 et considérée comme perdue, a été retrouvée au Mexique, près de 70 ans plus tard.
Passée de mains en mains... un ami photographe hongrois, en fuite vers Bordeaux, la confiait à un Chilien... En 1979, Cornell, le frère de Robert Capa, après bien des démarches infructueuses, signale par un encart dans une revue internationale de photo, être toujours à la recherche de ce trésor perdu.
Benjamin Tarver, cinéaste mexicain, l’a héritée de sa tante, elle-même l’ayant eu d’un parent, ambassadeur du Mexique à Vichy de 1941 et 1942. En 2007, Tarver livre enfin les images à Trisha Ziff, une conservatrice de Mexico, qui remet "la valise mexicaine" à l’ICP, le 19 décembre 2007.


Les documents contenus, en bon état de conservation, faisaient rapidement l’objet d’une exposition à New York (2010), aux Rencontres d’Arles (2011) puis, après l’Espagne (Barcelone, Bilbao et Madrid), elles sont enfin présentés à Paris, au MAHJ, à partir du 27 février, dans une scénographie dynamique de Patrick Bouchain (accrochage mural, banderoles et dispositifs au sol). Cette scénographie est intéressante à plus d’un titre. Les tirages des planches contacts rendent une actualité rafraichie à ces clichés, et les fonds de cartes précisent les lieux des reportages. Par ailleurs, chacun des reporters quittait l’Espagne et y revenait durant le conflit.
La redécouverte de "la valise", annoncée officiellement en 2008, provoqua dans l’univers du photo-reportage comme de la recherche historique, un engouement considérable.
Comprenant 3 boîtes de rouleaux de pellicule soigneusement classés, elle contenait près de 4 500 négatifs d’images de la guerre civile espagnole, généralement inédites, prises entre 1936 et 1939 par Robert Capa, par sa compagne Gerda Taro, qui mourut accidentellement en 1937 pendant la bataille de Brunete, et par David Seymour, dit Chim.
Ces documents apportent de nouvelles images à ce conflit. On retrouvait également celles de Fred Stein, l’ami photographe, représentant Taro, qui devenaient, depuis sa mort, intimement liées à celles de la guerre d’Espagne.


D’un intérêt documentaire exceptionnel, ces films et ces clichés racontent aussi l’histoire de ces trois célèbres photographes juifs investis dans la cause républicaine, qui, au prix de risques considérables, jetaient les bases de la photographie de guerre actuelle, de la guerre moderne, et donnaient ses lettres de noblesse au photo-reportage engagé.
Portraits, scènes de combat, images rappelant les effets terribles de la guerre sur les civils : si certaines de ces œuvres nous sont déjà familières grâce à des tirages d’époque ou des reproductions, les négatifs de la valise mexicaine, présentés ici sous la forme de planches-contact agrandies, nous dévoilent l’ordre des prises de vue, et certaines images totalement inédites.
"Ces négatifs montrent des soldats républicains espagnols et des civils espagnols dans la vie quotidienne, dans la bataille ou dans des situations domestiques. Ces images sont fortes, car elles présentent des individus touchés par la guerre, par les manœuvres de la politique internationale qu’ils comprennent à peine, et vaquant à leurs activités de tous les jours – ils préparent un repas, ils lisent le journal, ils protègent leur famille. Ces images naturalistes incluent quelques-unes des personnalités marquantes de la guerre civile espagnole ainsi que des portraits d’artistes ou d’écrivains tels qu’Ernest Hemingway, Federico García Lorca et André Malraux." (Brian Wallis, extrait de « La Valise mexicaine, perdue et retrouvée », in La Valise mexicaine. Capa, Chim, Taro. Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole, Arles, Actes Sud, 2011.
Robert Capa (1913–1954), né Andre Friedmann, quitte la Hongrie à 17 ans, pour activités gauchistes, et, réfugié à Berlin, étudie le journalisme. En 1933, installé à Paris, il rencontre Chim, Stein et Taro. Il se fait rapidement connaître par ses photographies de la guerre d’Espagne, caractérisées par une proximité avec l’action. Les pellicules retrouvées permettent de l’observer courir après l’action, se déplacer avec ses sujets, avec lesquels il tente de comprendre et de ressentir les événements. En 1947, il fonde Magnum Photos avec Cartier-Bresson, Georges Rodger et Chim (David Seymour).


Gerda Taro (1910-1937), née Gerta Pohorylle, élevée à Leipzig dans une famille juive de classe moyenne, s’exile à Paris en 1933. Elle y rencontre « André » et se lance dans la photographie. Au printemps 1936, ils se réinventent pour devenir Robert Capa et Gerda Taro, et partent couvrir la Guerre d’Espagne pour la presse française. Ses photos traitent des lignes de front de la guerre. Son style, proche de celui de Capa, diffère par son intérêt pour les compositions formelles et le degré d’intensité avec lequel elle photographie des sujets morbides. Lors de la bataille de Brunete, conflit décisif de la guerre d’Espagne, elle est mortellement blessée par un tank républicain, première femme photographe tuée lors d’un reportage de guerre.
Chim (1911-1956), né Dawid Szymin, grandit dans une famille d’intellectuels et d’éditeurs de livres en hébreu et en yiddish. En 1933, après avoir étudié les arts graphiques à Leipzig, il s’oriente vers la photographie pour gagner sa vie en poursuivant ses études à la Sorbonne. Reconnu pour ses photographies des événements liés au Front populaire, il collabore régulièrement avec le magazine communiste Regards. Contrairement à Capa et à Taro, il réalise des portraits officiels de personnages importants, prend des images, chargées de sens et de nuances, de soldats sur le front intérieur, ou de paysans au travail dans des petites villes. Un des cofondateurs de Magnum Photos en 1947.

Publiée chez Actes Sud, l’édition en deux volumes de La Valise mexicaine, sous la direction de Cynthia Young, ICP, New York, présente l’intégralité des films retrouvés, ainsi que des documents d’époque, des textes et des analyses critiques rédigés par les meilleurs spécialistes.
Lire aussi l’ouvrage très illustré Les Brigades internationales / Images retrouvées, de Michel Lefebvre et Rémi Skoutelsky, sur ce premier conflit "de l’ère des médias". Le Seuil, 192 pages, 45€.
L’exposition est réalisée par l’International Center of Photography de New York.
La Valise mexicaine. Capa, Taro, Chim. Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole, du 27 février au 30 juin 2013, au musée d’Art et d’histoire du judaïsme, Hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple 75003 Paris, métro Rambuteau, Hôtel-de-Ville, RER Châtelet/Les Halles, Bus 29, 38, 47, 75. Parking Beaubourg, Hôtel-de-Ville. Ouvert du lundi au vendredi de 11 à 18h, et le dimanche de 10 à 18h. Nocturnes le mercredi jusqu’à 21 h. 7 ou 4,50€, musée + exposition 9,50 ou 6,50€.

La légendaire valise de Robert Capa, contenant des négatifs de la guerre d’Espagne, était considérée comme perdue depuis 1939. Miraculeusement retrouvés il y a quelques années au Mexique, ces documents, restitués à l’ICP (International Center of Photography) en 2007, ont fait l’objet d’une exposition présentée à New York en 2010, puis aux Rencontres internationales d’Arles en 2011. Après l’Espagne (Barcelone, Bilbao et Madrid), l’exposition La Valise mexicaine est présentée pour la première fois à Paris, au MAHJ, dans une nouvelle scénographie conçue par Patrick Bouchain.

L’annonce officielle en 2008 de la redécouverte de cette valise, dont la trace avait été perdue depuis 1939, a provoqué un engouement considérable dans l’univers du photoreportage et de la recherche historique.
Après plus de soixante-dix années de pérégrinations rocambolesques et de péripéties diverses, la « valise », composée en fait de trois boîtes de rouleaux de pellicule soigneusement classés, révélait son extraordinaire contenu : près de 4500 négatifs d’images de la guerre civile espagnole, prises entre 1936 et 1939 par Robert Capa, mais aussi par sa compagne Gerda Taro, tragiquement disparue en 1937 pendant la bataille de Brunete, et par David Seymour, dit Chim. Une manne de documents en très bon état de conservation et, pour une large part, totalement inédits, déployant le panorama détaillé d’un conflit qui a changé le cours de l’histoire européenne. On y trouve également les images du photographe et ami Fred Stein représentant Taro – des images qui sont devenues, depuis la mort de la jeune femme, intimement liées à celles de la guerre elle-même.

D'un exceptionnel intérêt documentaire, ces films et clichés racontent aussi l’histoire de trois célèbres photographes juifs, totalement investis dans la cause républicaine, qui, au prix de risques considérables, ont jeté les bases de la photographie de guerre actuelle et donné ses lettres de noblesse au photoreportage engagé.
Portraits, scènes de combat, images rappelant les effets terribles de la guerre sur les civils : si certaines de ces œuvres nous sont déjà familières grâce à des tirages d’époque ou des reproductions, les négatifs de la valise mexicaine, présentés ici sous la forme de planches-contact agrandies, dévoilent pour la première fois l’ordre de la prise de vue, ainsi que certaines images totalement inédites.

Publiée chez Actes Sud, l’édition en deux volumes de La Valise mexicaine – sous la direction de Cynthia Young, ICP,New York – présente l’intégralité des films miraculeusement retrouvés, ainsi que des documents d'époque, des textes et des analyses critiques rédigés par les meilleurs spécialistes.
Une exposition réalisée par l'International Center of Photography de New York.







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