ALBERT JACQUARD





HOMMAGE


 Albert Jacquard, un grand Humaniste qui tenait un discours destiné à favoriser l’évolution de la conscience collective

Le généticien Albert Jacquard est mort à l'âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l'AFP. Ce polytechnicien, né le 23 décembre 1925, a été emporté par une forme de leucémie, a-t-il précisé.

Spécialiste de génétique, ce chercheur était également connu pour ses engagements citoyens. Membre du Comité de consultation national d'éthique, cet apôtre de la "décroissance joyeuse" était président d'honneur de l'association Droit au logement.

Sa conscience politique, son combat contre les injustices, c'est aux Etats-Unis, à la fin des années 1960, qu'il les forge, alors qu'il étudie la génétique des populations à l'université Stanford. Les émeutes raciales et la naissance du mouvement hippie sur fond de protestation contre la guerre de Vietnam modifient sa vision du monde et de la société. De retour en France, il publie, en 1978, L'Eloge de la différence, un livre-manifeste contre les inégalités, qu'il n'a cessé de combattre jusqu'à sa mort.


à travers la presse

LibérationSociété


Décès du généticien Albert Jacquard
AFP 12 septembre 2013 à 12:36 (Mis à jour : 12 septembre 2013 à 13:08)

 

Albert Jacquard le 27 octobre 2012 à Paris.Albert Jacquard le 27 octobre 2012 à Paris. (Photo Joel Saget. AFP)
Agé de 87 ans, ce polytechnicien et militant de gauche a succombé mercredi soir à une leucémie.

Le généticien et militant de gauche Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien (VIe arrondissement) à l’âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l’AFP. Ce polytechnicien, né le 23 décembre 1925, qui était président d’honneur de l’association Droit au logement (DAL), a été emporté par une forme de leucémie, a-t-il précisé.
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Issu d’une famille de la bonne société lyonnaise, Albert Jacquard est reçu à Polytechnique 20 ans plus tard et entre en 1951 à la Seita (société nationale qui fabrique tabac et allumettes) pour y travailler à la mise en place d’un des premiers systèmes informatiques.

A lire aussi  Le portrait d'Albert Jacquard paru en 2006 dans Libération

Après un bref passage au ministère de la Santé publique, il rejoint l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 1962. Mais il approche de la quarantaine et «s’aperçoit qu’on n’est pas éternel et qu’on ne veut pas gâcher sa vie à des choses dérisoires». Albert Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse université américaine de Stanford, puis revient à l’Ined et passe deux doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée.

Parallèlement à l’enseignement et son travail d’expert à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), il n’aura alors de cesse de démonter les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité.

Ses premiers livres, comme Eloge de la différence : la génétique et l’homme (1978) rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l’humanisme anti-libéral.

Car le Pr Jacquard n’aime pas le libéralisme et il sera d’ailleurs candidat aux législatives à Paris en 1986 sur une liste soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit (en 84e position).

Dans les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d’une autre cause : les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d’un immeuble rue du Dragon en 1994, de l’Eglise Saint-Bernard en 1996... son visage de vieux faune grec devient vite aussi familier que celui de l’Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte.

L’âge aidant, le président d’honneur du DAL s’était fait plus discret tout en continuant à soutenir les démunis et à pousser des coups de gueule, comme dans sa chronique quotidienne sur France Culture de 2001 à 2010. En mai dernier, l’AFP l’avait croisé à Cannes pour le «festival de silence», organisé en marge des cérémonies de la Croisette.

«Ces moments nous rappellent la grande vertu du silence. Cela permet d’abord de prendre de la distance sur le côté artificiel d’un festival de cinéma. La réalité humaine se regarde mieux depuis l’île de Saint-Honorat que depuis la Croisette», avait lancé Albert Jacquard, à l’issue d’un déjeuner silencieux avec les moines de l’abbaye de Lérins.
AFP


Le généticien Albert Jacquard est mort

Publié le 12.09.2013, 13h01 | Mise à jour : 13h10
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Le généticien et militant de gauche Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien (VIe arrondissement) à l'âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l'AFP.
Le généticien et militant de gauche Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien (VIe arrondissement) à l'âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l'AFP. | Martin Bureau
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«Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est le propre de l'homme». Le généticien Albert Jacquard est décédé d'une forme de leucémie à l'âge de 87 ans. Scientifique de haut niveau et grand humaniste, président d'honneur de l'association Droit au logement, il avait mis sa verve médiatique au service de nombreuses causes, en particulier celle des mal-logés et des sans-papiers.


Albert Jacquard était né à Lyon en 1925. Issu d’une famille catholique et conservatrice originaire du Jura, à l'âge de 9 ans, il est défiguré dans un accident de voiture dans lequel il perd son jeune frère et ses grands-parents paternels.

Après ses études à l'Ecole Polytechnique et à l'Institut des statistiques, il travaille d'abord à la SEITA (tabac), puis au ministère de la santé. Il se tourne ensuite vers une carrière scientifique en allant étudier la génétique des populations aux Etats-Unis (Stanford). En 1968, il devient responsable du service de génétique à l'INED (Institut National d'Etude Démographique) puis expert en génétique auprès de l'OMS de 1973 à 1985. Il enseigne également dans les Universités de Genève et de Paris VI.

Ces travaux scientifiques seront reconnus: il sera nommé officier de Légion d'honneur et commandeur de l’Ordre national du Mérite par le président Valéry Giscard d'Estaing en 1980. Il a aussi reçu le prix scientifique de la Fondation de France avant d’être nommé membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé de 1983 à 1988.

Si Albert Jacquard est l'auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique, on retiendra aussi ses nombreux combats et son engagements en faveur des démunis. Il milite notamment aux côtés de l'association Droit au logement et de l'Abbé Pierre. Il apporte son soutien aux étrangers en situation irrégulière en grève de la faim à Lille durant l'été 2007...

Dans ses chroniques régulières sur France Culture ou dans ses ouvrages il dénonce aussi «l'économie triomphante» et les méfaits du capitalisme avec les problémes de pollution, le gaspillage, la nécessité de partager les ressources. En 1994, il sera l'un des fondateurs de l'association Droit Devant. Il soutiendra aussi plusieurs candidats d'Europe Ecologie les Verts lors des élections legislatives.



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Disparition du généticien et militant Albert Jacquard


AFP PHOTO / MARTIN BUREAU
Par RFI

Albert Jacquard avait 87 ans. Il est mort mercredi 11 septembre à son domicile parisien. Célèbre généticien, auteur d'ouvrages de vulgarisation scientifique, il était aussi connu pour ses engagements citoyens aux côtés des mal-logés et des sans-papiers. Il avait aussi signé avec Stéphane Hessel un appel au désarmement nucléaire total.

Polytechnicien de formation, président d'honneur de l'association Droit au logement, Albert Jacquard aura marqué les mémoires par ses connaissances et par son engagement militant. Homme de science, mais aussi de conviction, Albert Jacquard avait une gueule surprenante, cabossée, encadrée par une barbe-collier autour du visage.

Albert Jacquard était avant tout un grand généticien. Il avait étudié aux Etats-Unis et en 1968, à 43 ans il fut nommé responsable du service de génétique à l'Institut national d'études démographiques (INED). il deviendra par la suite expert en génétique auprès de l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Son travail lui vaut une reconnaissance nationale et internationale et de nombreuses distinctions.

Mais ce qui intéressait Albert Jacquard, c'était la vulgarisation des sciences et inlassablement il a cherché à diffuser un discours humaniste destiné à favoriser l’évolution de la conscience collective. Parmi ses oeuvres, on retiendra Eloge de la différence, A toi qui n'est pas encore né, Le souci des pauvres ou encore Mon utopie.

Le souci des pauvres, Albert Jacquard l'avait. Il s'était d'ailleurs engagé dans la défense des plus démunis. On parlait de lui comme d'un «abbé Pierre laïque». Il participe ainsi à tous les combats qu'il estime justes, comme le droit au logement, la lutte contre le racisme.

Proche du mouvement altermondialiste, Albert Jacquard écrivait régulièrement dans le mensuel Le Monde Diplomatique. Dans son livre, J'accuse l'économie triomphante, Albert Jacquard dénoncait les méfaits du capitalisme : pollution, gaspillage, insuffisance ou insalubrité des logements, nécessité d'un partage des ressources.

C'est l'ensemble de ce parcours brillant et militant qui restera en mémoire.

Le généticien et militant de gauche Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien (VIe arrondissement) à l'âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils à l'AFP. Ce polytechnicien, né le 23 décembre 1925, qui était président d'honneur de l'association Droit au logement (DAL), a été emporté par une forme de leucémie, a-t-il précisé.
Démonter les arguments des théories racistes

Issu d'une famille de la bonne société lyonnaise, Albert Jacquard est reçu à Polytechnique 20 ans plus tard et entre en 1951 à la Seita (société nationale qui fabrique tabac et allumettes) pour y travailler à la mise en place d'un des premiers systèmes informatiques. Après un bref passage au ministère de la Santé publique, il rejoint l'Institut national d'études démographiques (Ined) en 1962. Mais il approche de la quarantaine et «s'aperçoit qu'on n'est pas éternel et qu'on ne veut pas gâcher sa vie à des choses dérisoires».

Albert Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse université américaine de Stanford, puis revient à l'Ined et passe deux doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée. Parallèlement à l'enseignement et son travail d'expert à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), il n'aura alors de cesse de démonter les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l'humanité.
Au service des mal-logés

Ses premiers livres, comme Eloge de la différence: la génétique et l'homme (1978) rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l'humanisme anti-libéral. Car le Pr Jacquard n'aime pas le libéralisme et il sera d'ailleurs candidat aux législatives à Paris en 1986 sur une liste soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit (en 84e position).

Dans les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d'une autre cause: les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d'un immeuble rue du Dragon en 1994, de l'Eglise Saint-Bernard en 1996... Son visage de vieux faune grec devient vite aussi familier que celui de l'Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte. L'âge aidant, le président d'honneur du DAL s'était fait plus discret tout en continuant à soutenir les démunis et à pousser des coups de gueule, comme dans sa chronique quotidienne sur France Culture de 2001 à 2010.

En mai dernier, l'AFP l'avait croisé à Cannes pour le «festival de silence», organisé en marge des cérémonies de la Croisette. «Ces moments nous rappellent la grande vertu du silence. Cela permet d'abord de prendre de la distance sur le côté artificiel d'un festival de cinéma. La réalité humaine se regarde mieux depuis l'île de Saint-Honorat que depuis la Croisette», avait lancé Albert Jacquard, à l'issue d'un déjeuner silencieux avec les moines de l'abbaye de Lérins.


 

LibérationSociété
La Une du 12 septembre 2013


Albert Jacquard, bon homme de chemin
Laure NOUALHAT 30 août 2006 à 23:05 (Mis à jour : 12 septembre 2013 à 13:00)


POUR MÉMOIRE

En août 2006, Libération publiait le portrait du scientifique et tribun humaniste, défenseur des sans-logis et des sans-papiers, décédé ce jeudi.
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    Par Laure Noualhat
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Voilà trente ans qu'il se promène dans le paysage médiatique avec son collier de barbe et ses combats humanistes. Trente ans qu'il trimballe ses airs de prof, la rigidité et l'amour de la notation en moins. Trente ans qu'il radote aussi. «Oui, je radote, c'est pour mieux marteler le message», précise-t-il, les yeux rieurs. Albert Jacquard fait partie de nos bibliothèques sans que l'on sache vraiment pourquoi. Il est là, tout simplement, comme le vieux sage au coin du feu. Bien qu'à la retraite depuis vingt ans, il n'a jamais été aussi actif que depuis le jour où il a compris la puissance des mots qu'il s'emploie à consigner dans ses essais. A 80 ans, il se porte comme un charme. Et ne craint pas la mort. «Je ne serai jamais mort. De toute façon, on ne peut pas conjuguer le verbe être avec le mot mort !» Le temps jacquardien a démarré lors de la fécondation de l'ovule de sa maman et prendra fin le jour où son coeur cessera de battre. «Pourquoi m'intéresser à ce temps hors de moi ? Ce qui compte, c'est ce que je vis.» Ce qui n'est pas du tout l'avis de son camarade l'abbé Pierre. «Pour lui, la mort sera une rencontre extraordinaire... Alors pourquoi repousse-t-il tant l'échéance ? Pour moi, c'est la fin.»


Né à quelques heures de Noël, Albert Jacquard ne croit pas en Dieu. Il n'est pas athée, mais agnostique. Nuance qu'il souligne avec gourmandise. «Je ne sais absolument pas si Dieu existe ou non, alors je n'en parle pas.» Il n'en parle pas mais a jugé bon d'en faire un livre, vendu à plus de 120 000 exemplaires, intitulé simplement Dieu ?. Il jugera sur pièce le moment venu. «J'atteins l'âge où proposer une utopie est un devoir.» Ainsi s'ouvre son dernier livre. Par des mots qui dessinent la ligne d'arrivée et rassemblent les éléments épars du passé.

Une utopie. Elle n'a rien de révolutionnaire chez Jacquard, il estime qu'elle doit être réalisable, «sinon elle ne sert à rien». «Pour l'essentiel, c'est un projet à propos de l'éducation. C'est à l'école que se joue l'avenir.» Devenu prof sur le tard grâce à la notoriété de ses travaux, de statistique en fac de médecine ou «d'humanistique» (matière taillée sur mesure par une école d'architecture du Tessin), il a toujours refusé de noter ses élèves, ou alors en leur accordant à tous la même note. Il redoute la compétition et méprise «la préparation à la vie active» que propose le système éducatif. Il se dit en rogne contre le culte franchouillard des élites, Polytechnique et «l'infantilisme rémanent des polytechniciens». «L'être humain se construit grâce aux autres», dit-il. Et c'est logiquement à l'école que l'on prépare les rendez-vous entre humains. «Mon regret est d'avoir manqué des occasions de rencontres plus approfondies.» Mais son chapelet compte de beaux noms et de beaux esprits. Parmi eux : le professeur Sutter, ancien directeur de l'Institut national des études démographiques, qui le pousse à étudier la génétique des populations à Stanford ; Bernard Pivot, qui l'invite à transformer son premier livre, Eloge de la différence, en précis intelligible ; l'abbé Pierre, avec lequel il échange sur la vie, la mort et Dieu dans tout ça ; «Mlle Béart», à côté de laquelle il a dormi plusieurs nuits d'affilée dans l'église Saint-Bernard en 1996... Tout de même !

Un mensonge. A l'origine de son parcours atypique, un bluff. Il est en seconde au lycée de Soissons (Aisne). En 1941, son père, salarié de la Banque de France, se fait muter à Gray, en Franche-Comté. Franchissement de la ligne de démarcation. Arrivée en plein milieu d'année, sans livret scolaire. Le jeune Albert en profite pour devenir un autre. Ses professeurs lui demandent en quoi il excelle. En vérité, en rien. Il se dit «bon en tout, sauf en gymnastique». Il va travailler d'arrache-pied pour être à la hauteur du mensonge. Si bien qu'il entre à l'X en 1945 et qu'il en ressort pour travailler à la mise en place des premiers systèmes informatiques de la Seita avec Bull. Esprit original perpétuellement en quête de connaissances, il regrette d'«avoir joué le jeu de la réussite technique pendant dix ans, et [d']avoir perdu du temps tout en étant néanmoins passionné par ce travail».

Un regret. Albert a raté la Seconde Guerre mondiale. Entre 1943 et 1945, les concours passaient avant la marche du monde : Normale sup, l'X... Il bûchait dans la célèbre prépa des jésuites de Sainte-Geneviève-des-Bois. «Je n'avais été qu'un passager de l'Histoire.» On dirait un regret. L'explication de la suite, longue séance de rattrapage. Plus tard, après s'être initié à la génétique des populations, il lutte «contre l'idée absurde d'une hiérarchie entre les êtres humains», démonte scientifiquement les théories racistes et témoigne au procès Barbie en 1987. Puis rejoint d'autres combats : les sans-papiers, les sans-logement... Ancien militant antinucléaire, il a mis son engagement antiatome en stand-by. «Il est souhaitable de sortir du nucléaire, dit-il, mais demain. Dans l'immédiat, nous avons besoin d'énergie.» Sa concierge dépose l'Humanité tous les matins sur le paillasson de son bureau-chambre de bonne, dans le VIe arrondissement germano-prout-prout de Paris.

Une croyance. Même au seuil de sa vie, Albert Jacquard reste profondément humaniste. «Parce que je suis grand-père. Je précise que je ne suis pas optimiste, mais plutôt volontariste.» Il s'agit de s'activer pour léguer un monde un peu meilleur à nos descendants. En relative immodestie, il a l'impression de contribuer au changement en écrivant ses livres, et surtout en savourant chaque seconde des 3 minutes 30 de sa chronique quotidienne sur France Culture, consacrée au rôle de la science dans la société. «Au commencement était le verbe, c'est écrit dans les Evangiles, les mots sont des armes.» Et tant pis si elles ne pèsent pas lourd face à l'artillerie de l'insondable connerie humaine. Albert Jacquard met un point d'honneur à y croire. L'Univers nous a faits tout en nous plantant là, sans mode d'emploi ? Qu'importe... «Si nous ne l'écrivons pas, qui le fera ?»

Des mots.«Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été un lecteur.» Céline, Proust, Jules Romains... Il aime le classique. Il écrit depuis 1978, date à laquelle il a fait paraître Eloge de la différence. Une trentaine d'ouvrages ont suivi. Et, le dernier à peine sorti, Albert Jacquard remet ça. Il doit prochainement publier un livre avec Fadela Amara, présidente de Ni putes, ni soumises, «une jeune femme qui va enrichir mon pays», prévient-il. Puis il commentera les images de Yann Arthus-Bertrand. Plus qu'un écrivain, Albert Jacquard est devenu un auteur bankable (pas moins de 30 000 exemplaires vendus par titre) qui enfile les perles du bon sens pour en faire de jolis colliers de généralités humanistes.

Une famille. Albert Jacquard a rencontré Alix chez des amis communs et l'a invitée à une représentation de Knock avec Louis Jouvet. S'ensuivent cinquante-cinq années d'union solide, fêtées cet été. Ils ont eu trois fils (un médecin, un architecte et un pianiste)et huit petits-enfants. Tous ses droits d'auteur ont été engloutis dans une jolie maison de campagne dans le Lot. Perdue dans le silence, dans une «ambiance désespérément normale», elle accueille la famille autour du patriarche.

Albert Jacquard en 6 dates

23 décembre 1925. Naissance à Lyon. 1945. Entrée à Polytechnique. Juillet 1951. Mariage avec Alix. 1965. Entre à l'Institut national des études démographiques. 1978. Publie à 53 ans son premier ouvrage, Eloge de la différence.30 août 2006. Parution de Mon Utopie (Stock).

photo MATHIEU ZAZZO
Laure NOUALHAT


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