BETTINA RHEIMS

LES DÉTENUES DE BETTINA RHEIMS,


EXPOSÉES AU CHÂTEAU DE VINCENNES

“Détenues”, de Bettina Rheims, Sainte-Chapelle du Château de Vincennes, du 9 février au 30 avril.
1, avenue de Paris, 94300 Vincennes

Soixante portraits de femmes détenues, réalisés par Bettina Rheims, sont exposés au Château de Vincennes jusqu’au 30 avril. Bettina Rheims nous raconte. Un hiver en prison

Les détenues de Bettina Rheims, exposées au Château de Vincennes
par Elisa Mignot  

Les news de l'image
09.02.2018

Dans une exposition aussi lumineuse que touchante, soixante portraits de femmes détenues, réalisés par Bettina Rheims, sont exposés au Château de Vincennes jusqu’au 30 avril.

Chantal a de beaux yeux bleus levés vers le ciel et ses lunettes en bandoulière; Laurence dévoile sur son sein gauche une rose tatouée; Josie porte un élégant trench beige; Alyssa, haut en dentelles noir provocant, a le regard perdu…

Quelque soixante portraits de femmes détenues peuplent la Sainte-Chapelle du Château de Vincennes, pareilles à des madones dans des retables de fer.

Bettina Rheims a passé un hiver en prison à les photographier. C’était en 2014. Quatre établissements pénitentiaires à Lyon, Poitiers, Roanne et Rennes, l’ont accueillie avec son équipe et son studio improvisé. Dans une pièce exiguë, 120 femmes ont posé pour elle et, sans que la photographe ne le demande jamais, lui ont raconté leur vie, leur crime, leurs amours, leurs enfants, leur douleur, leur enfermement, leur solitude.


“J’ai eu la chance de croiser souvent Robert Badinter et, pendant des années, il m’a dit: ‘Bettina, vous devez vous intéresser à ces femmes que personne ne veut voir.’ C’est vrai que dans les médias, les films ou même l’Histoire, les détenus sont toujours des hommes”, raconte l’artiste qui, depuis le début de sa carrière dans les années 70, ne cesse de questionner les conventions et la féminité.

Après un an de négociations avec l’administration pénitentiaire, Bettina Rheims a eu accès à celles qui représentent moins de 4% de la population carcérale en France, soit environ 2.400 détenues. Elle a commencé par venir présenter dans les différents centres pénitentiaires ses travaux et son projet à des groupes de femmes, des heures durant. Les volontaires ont, par la suite, toutes passé une heure devant son objectif, après avoir été maquillées et habillées, si elles le désiraient.

Dans ces portraits frontaux et attentionnés, rien ne dit la prison, aucun détail. Le fond est toujours blanc. Tantôt marquées, tantôt pimpantes, ces femmes montrent la diversité des âges, des origines, des passés que l’on trouve derrière les murs d’une prison.

“Je voulais leur ouvrir une petite fenêtre”

A côté des tirages, de courts textes sont proposés. Ils sont inspirés des notes que Bettina Rheims enregistrait sur son téléphone, chaque soir, dans sa chambre d’hôtel, après les prises de vue. On y comprend la violence et la misère dont ces femmes ont souvent été victimes avant d’être incarcérées. On y lit aussi la drogue, l’alcool, la minuscule petite heure de promenade quotidienne, le besoin criant d’amour.

“En prison, les femmes ne se regardent pas et une femme qui ne se regarde pas perd quelque chose de profond en elle, a remarqué la photographe. Une solitude s’installe et elles s’y enfoncent. Je voulais leur ouvrir une petite fenêtre, leur donner une image d’elle. Qu’elles puissent se dire: j’existe.”

Il y a quelque chose de la rédemption dans cette chapelle du XIVe siècle aux vitraux transpercés de lumière. “Grace à Bettina Rheims, les détenues sont redevenues des femmes, écrit Robert Badinter qui a préfacé son livre ‘Détenues’. Chacune a retrouvé sa singularité et brisé l’uniformité dans laquelle la vie carcérale plonge les détenues.”

La scénographie volontairement moderne et industrielle de l’architecte Nicolas Hugon a donné un écrin de métal à chacune. Organisées en cénacle, elles regardent le spectateur… ou peut-être elles-mêmes, sans rien revendiquer, si ce n’est le fait d’être là. A l’ombre du donjon du château de Vincennes, qui fut un lieu d’enfermement pour des inconnus, comme elles, et pour d’illustres prisonniers (Henri IV, Mirabeau ou le marquis de Sade), c’est un symbole.

Du 1er juin au 4 novembre, l’exposition, portée par le Centre des monuments nationaux, sera d’ailleurs accrochée au château de Cadillac qui, jusqu’aux années 50, était une prison pour femmes.

“Je suis très fière de ce travail, j’ai l’impression d’avoir été utile, explique Bettina Rheims. La prison, la perte de liberté ont été de grandes peurs dans ma vie. C’était une façon de les conjurer.”

“Détenues”, de Bettina Rheims, Sainte-Chapelle du Château de Vincennes, du 9 février au 30 avril.


SOURCE POLKA

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