POINT DE VU -LAURENT BIANCANI




POINT DE VUE
par Laurent BIANCANI - Laurent Biancani (1933-2003)
Le photographe s'exprime dans PHOTO-REVUE mars 1974 


"Je préfère ce qui m'émeut à ce qui me surprend."


Depuis la nuit des temps, l'image puis l'écriture ont doté les hommes du pouvoir de communication de leur intelligence, de leur savoir, mais aussi de leurs craintes, de leurs peines, de leurs espérances. 

L'écriture devint peu à peu l'apanage des clercs et il fallu Gutenberg pour ouvrir la porte à une première universalité de la culture. Il fallu attendre Niépce pour que l'image échappe un peu à ses clercs d'alors, les peintres plagiaires de la réalité, pour ouvrir au monde les portes de cet univers fabuleux, du second langage, du visuel .

 La photographie
 ouvrait-elle pour autant les portes du réel, je suis convaincu du contraire. Entre les fantômes pâlissants des daguerréotypes ou des images sur bitume de judée et nos belles images pimpantes de clic -clac, une très grande marque fait le reste, il ne me semble pas discerner de différences stupéfiantes. La photographie fixe un aspect de la réalité, aspect fugitif et incertain comme chacune de nos impressions rétiniennes vis à vis d'un monde extérieur qui ne se livre à nous que par une suite de mirages.

il appartient au photographe d'imposer à ses machines et à ses alchimies sa vision ou si l'on préfère une volonté de vision qui est la sienne.

J'aime fortement la photographie parce qu'elle me permet une sorte d'empoignade avec un certain réel, mon réel, une certaine sensation de prise directe sur la vie. J'aime fortement la photographie car elle me permet de me fabriquer les images dont j'ai envies. 


Faire de la photographie en studio est ce que j'ai envie de faire actuellement. Il est certain que le studio répond totalement à mon besoin de fabriquer des images entièrement à ma guise. 
Le reporter est un chasseur qui lève le lièvre et l'estoque, le paysagiste est le chasseur qui sait rester à l'affût. L'un et l'autre éprouvent une émotion devant un phénomène extérieur. L'un et l'autre choisissent le bref instant transcendantal où leur vérité coïncide avec les lois de leur mécanisme photographique. Ils sont impressionnistes, je les admire; j'aime leurs bonnes photographies. 


Le photographe de studio que je suis, pour mon plaisir, invente le soleil là où il veut, impose les réverbérations qui lui conviennent et donne au rectangle photographique le contenu qu'il désire. 


Ce contenu, pour moi est  fait de corps féminin, dépouillé de toute littérature vestimentaire temporelle ou d'accessoires (....). Du corps humain malléable à l'extrême peuvent jaillir les formes les plus étranges, les plus fantastiques pour peu que l'on éclaire et  que l'on tire les photos convenablement . Le corps féminin  tel qu'il a été conçu (...) résume toutes mes convictions de la beauté et mon admiration pour cette merveille première qu'est le phénomène de la vie.


Des jeux de gris, de blanc de noir, d'ocre, de rose, de bleu...peuvent se former en une vaste ronde dont le photographe de studio devient une sorte de maître de ballet. La chose est-elle intellectuelle ou émotionnelle ? L'art est "causa mentale" , disait Léonard de Vinci. L'émotion peut faire bon ménage avec l'imagination , chose de l'esprit pour peu que l'on sache éviter le système et matérialiser ses angoisses dans une démarche où l'obsession le dispute à l'intellectualisme à l'état pur.

Le nu est -il nécessairement érotique? 

En ce qui concerne l'érotisme vrai, il a fait partie de toute mythologie s'associant même sous la forme quasi métaphysique aux choses divines, ce dans l'Antiquité et dans certaine civilisation de l'Orient. Gageons que les années à venir lui redonneront sa vraie place ni hypocrite, ni insolente; ceci dans un langage moderne dépassant les vieux clichés issus de la nuit des temps.

(...) Je dispose d'une gamme d'optiques assez complète. Toutefois   j'ai un faible pour le 35 mm qui est ma chose à tout faire, le 21 mm pour mon plaisir, et le 85mm pour le portrait, tout ces objectifs ont une très grande ouverture afin de faciliter le cadrage et la mise au point avec l'éclairage de focalisation des flashes que j'utilise le plus souvent. (...). Je travaille toujours avec les mêmes modèles qui doivent pour moi être essentiellement des collaboratrices. Elles interviennent hautement dans le contenu de l'image par leur intelligence du geste.

  extraits interview:   Laurent BIANCANI   dans PHOTO-REVUE mars 1974
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Photographe et Enseignant, Portrait  

Laurent Biancani (1933-2003)
Biographie :
Laurent Biancani  créateur et photographe est un pédagogue. Il a enseigné  la photographie à l’ École des Beaux-Arts de Troyes, et invité à celle de Paris.
Laurent Biancani  a créé  dans les années 70 le stage studio-été aux Arcs
 A réalisé des expositions en France et à l'étranger . Conférencier invité à la FNAC  à Paris (17e ),
Conseiller du Musée français de la photographie.


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