ANTOINE D'AGATA

EXPOSITION PHOTO





ANTOINE D'AGATA 


INTERDIT AUX MOINS DE 16 ANS non - accompagnés


ANTICORPS
12h-20h(merc., ven.)12h-22h(jeu.)11h-20h(sam.)11h-19h(dim.)
Le Bal, 6 Impasse de la Défense, Paris 18em
Du 24 janvier au 14 avril 2013

« Le lent naufrage d’un homme sans attaches, rescapé d’un long périple, qui se répète de chambre en chambre. »

Journal autobiographique, récit d’une quête ardue, radicale mais lucide, vécue la nuit, mêlant sexe, errances, souffrance et drogues, Anticorps offre une plongée vertigineuse dans la nuit qui forge la réflexion menée par Antoine d’Agata sur le rapport de force entre deux mondes antagonistes. De l’aliénation sociale à la solidarité de la chair, de l’immoralité à la transparence de l’amoralité.



La photo n’est pas une fin en soi pour Antoine d’Agata. Aujourd’hui, il se dit serein. L’expérience d’Ice, autour de l’addiction aux méthamphétamines, l’entraîna trois années en enfer au Cambodge. Aller au bout, c’était mourir. Mais le désir de vivre l’emporta. La scénographie de l’expo épouse son cheminement intérieur. Et, lorsqu’on lui demande s’il est heureux, il répond : « Je suis “mal heureux”. »



[Portrait] Antoine d'Agata : attention à la marge !


Confessions crues de femmes, corps meurtris, hommes en armes… Antoine d’Agata traque la part d’humanité chez les exclus de ce monde.


« Anticorps », l’exposition d’Antoine d’Agata est interdite aux moins de 16 ans non accompagnés. Car « Anticorps » est une exposition trash et éprouvante. Le dispositif mis en place dans les deux salles du Bal est chargé. Les mots et les photographies inondent les murs et les sols, sans laisser au regard le moindre interstice pour s’échapper. Et même si les images, dans l’ensemble floues, sont plus impressionnistes que réalistes, il n’est question que de souffrance et de mort. D’Auschwitz jusqu’aux charniers libyens en passant par les bordels d’Asie, Antoine d’Agata ne s’épargne pas, et nous non plus ne le sommes pas. Il s’est physiquement immergé dans des lieux où suintent la barbarie et la cruauté du monde. Vingt ans d’une lente descente aux enfers où sexe, drogue et photographie ont signé un pacte. Unique.
C’est tout ou rien pour cet autodidacte, né en 1961 à Marseille. A 17 ans, le petit punk anarchiste a la rage au ventre et rêve de voyages. Les premiers seront artificiels : colle, éther, alcool, héroïne… avant Paris, Londres, Berlin, Pondichéry, Lima, Veracruz, puis New York, en 1989, où il suit des cours à l’International Center of Photography. La photographie ne l’intéresse pas particulièrement mais le besoin de faire cracher à l’appareil ce qui n’a pas été dit ne le quitte plus. Avec les livres Mala Noche et De mala muerte, on découvre ses premiers clichés, en noir et blanc, granuleux et sombres, récoltés en Amérique centrale. Il entre ensuite à la galerie VU’, qui lui offre ses premières grandes expositions (2000, 2003). Depuis dix ans, le photographe n’avait pas exposé à Paris, mais il est devenu membre de l’agence Magnum (2004), a intégré la galerie parisienne Les Filles du Calvaire et a publié plusieurs albums (Insomnia, Vortex, Manifeste, Ice…).


Parce qu’il est régulièrement comparé à Nan Goldin ou Larry Clark, la critique l’a enfermé dans le genre « autobiographie des dépendances sexuelles et narcotiques ». Il y a bien plus que cela dans l’œuvre de D’Agata. Aussi les deux commissaires, Fannie Escoulen et Bernard Marcadé, ont procédé à la manière d’un carottage dans son abondante production réalisée au cours de ces vingt dernières années, afin d’en extraire une proposition éminemment politique, mise en scène de manière radicale. La première salle de l’exposition se présente comme une installation d’art contemporain. Un écran noir sans image où défilent des mots et émergent des voix étrangères : « Je suis malade et je ne veux pas mourir, pas encore (Christina). Ici, on enterre les morts et on baise les vivants (Ana). Je suis comme une plaie qui est ouverte à cet univers. J’existe grâce à ton regard. Pour me rencontrer, tu t’es détruit toi-même. Je t’emmène et tu me suis, jusque dans une impasse (Silo)… Ces extraits de confessions de femmes rencontrées à travers le monde composent une partie de la bande-son d’un film à venir. Au sol sont empilés, sur des palettes en bois, des paquets de feuilles de format A3. On lit des phrases écrites par Antoine d’Agata, sans majuscules, imprimées sur fond rouge : « L’idée de révolution est vouée au désastre, mais dans le bordel, les corps évoluent sur le mode de cellules terroristes autonomes… » Ou encore : « Face à l’oppression que génère l’abondance d’images stéréotypées, et leur démultiplication par les industries culturelles, face à cette pornographie généralisée, vivre devient le seul enjeu ; et la seule œuvre possible dont il peut être question est la perpétration d’actes insensés. » A côté des tracts se sont glissées quelques images de même taille : un immeuble délabré photographié un jour sans nuage. Un corps nu, flou, révulsé. Un homme, seul, visage caché marchant sous la pluie à Sangatte. Cette installation épurée et émouvante tranche avec l’autre salle, au niveau inférieur. Là, un flux d’images a envahi les 200 mètres carrés de surface murale : du noir et blanc et de la couleur, des grands et des petits formats, du flou et du net, mêlés. Des cris de femmes nues, la nuit. Des hommes en armes. Des corps calcinés. Des ouvriers à l’usine. Des fichiers de prostituées de la police prélevés dans le flux Internet. Tout est collé au mur, malmené, comme les sujets.


La photo n’est pas une fin en soi pour Antoine d’Agata. Aujourd’hui, il se dit serein. L’expérience d’Ice, autour de l’addiction aux méthamphétamines, l’entraîna trois années en enfer au Cambodge. Aller au bout, c’était mourir. Mais le désir de vivre l’emporta. La scénographie de l’expo épouse son cheminement intérieur. Et, lorsqu’on lui demande s’il est heureux, il répond : « Je suis “mal heureux”. »
Après son voyage en Libye, en 2011, il arrête de photographier, par lassitude et pour tourner la page, afin de se consacrer, pour l’instant, au cinéma. Il repart pour le Cambodge… sans appareil. Il écoute et enregistre les prostituées dont il fait émerger une parole sidérante, crue, libre : « Ce ne sont pas des victimes, dit-il. Elles sont dans le désespoir, la haine parfois, mais jamais dans la soumission. Avec le sexe et la drogue, elles sentent, elles existent et cherchent à se réapproprier leur destin. J’ai besoin de vivre avec ces paroles. Elles m’aident à survivre, nourrissent ma vie. »
Les mots traduisent la teneur des relations sans naïveté et sans prétention qu’Antoine d’Agata entretient avec ces femmes, esclaves, exclues. Cette plongée éperdue dans l’épaisseur du monde atteste de son engagement et c’est là, dans les lieux rejetés par la société, que se trouve, dit-il, la plus grande humanité : « C’est une quête cruelle et sans issue que d’embrasser la violence de la rue, d’en vivre l’expérience dans sa chair (…). Chercher la vérité fragile des gestes, reconnaître la solidarité là où d’autres voient un néant irrémédiable (…), se mettre à nu, confondu au monde physique qui s’efface dans un glissement, et en payer le prix, jusqu’au sacrifice. » « Anticorps », une exposition éprouvante mais absolument salutaire !


Antoine d'AGATA


© Antoine d’Agata - Magnum photos / Courtesy Galerie Les filles du calvaire







Informations Pratiques


A partir du 24 janvier jusqu'au 14 avril 2013

Lieu: BAL

Liens: BAL

Antoine d’Agata déploie un vortex d’images paroxystiques qui grimpent sur les murs de la salle souterraine du BAL, prolifèrent en de multiples couches, exhalent la respiration brulante d’un monde entamé. Pris dans l’œil du cyclone, le visiteur éprouve à même son corps la violence extrême de situations innommables. Un cri muet suinte des photographies et retentit, obsessionnel, dans les espaces et nous entraine dans une expérience immersive dont nul ne peut sortir indemne.

Il y a déjà dix ans, l’exposition 1001 Nuits, organisée avec Christian Caujolle à la galerie Vu révélait la force singulière de ce photographe qui a fait ses classes auprès de Nan Goldin et Larry Clark à l’International Center of Photography à New York. Sa quête était déjà amorcée. La photographie s’apparente pour lui à un acte essentiel de rester vivant. Son art ménage nécessairement une place vertigineuse à l’excès : désespoir et exaltation, lucidité et ivresse des sens, intransigeance radicale envers soi même et le monde éprouvé comme une énorme béance dans laquelle il se jette à corps perdu.
Fannie Escoulen et Bernard Marcadé, commissaires de l’actuelle exposition du BAL, se sont plongés dans un flux incandescent de dizaines de milliers d’images. En deçà de la représentation, matière visuelle labourée par de violents courants d’émotion, sujette à l’implosion des sensations dans des zones inavouables et proches de l’instinct animal, la photographie d’Antoine d’Agata arrache des lambeaux vibrants de la chair du monde.
L’exposition ménage plusieurs paliers vers l’indicible. Une première salle au rez-de-chaussée est habitée par des voix de femmes – une installation vidéo dont l’image s’est évanouie sous le poids des témoignages. Des mots défilent, égrainent une parole fragile mais obstinée qui dit la stupeur de vivre dans une privation absolue de soi. Un trop plein d’images bourdonne déjà dans l’espace dépouillé, les voix s’entretissent, leur texture est riche et dense, différentes langues dessinent comme un atlas des abimes de l’humanité et de ses poches de résistance.
Au sous-sol, une installation d’une force terrible travaille la physicalité de l’espace. La violence sourde du monde regorge des murs. Les photographies se superposent, se chevauchent, dans une accumulation insensée. Frictions, collisions de différents registres – délires ardus de la nuit, constructions froides et désincarnées d’architectures carcérales ou ruines de guerre, journal intime et archives policières – nous sont donneés dans un fracas visuel abasourdissant. Les séries déclinent les nuances infimes d’un inextricable alliage de douleur, d’effroi et de désir dans des blocs opaques d’expérience où éclatent des fulgurances qui ouvrent l’accès à des nivaux essentiels d’émotion incontrôlable.
Un unique mouvement, où fusionnent la panique d’un saut dans le vide, des décharges de plaisir, la furie de vivre, fait vibrer les images d’Antoine d’Agata. Guyotat, Caravage, Pasolini, Francis Bacon ou encore Antonin Artaud font partie de sa famille élective au même titre que tous ces êtres sans nom avec lesquels il partage l’expérience du sexe et de la drogue. Le photographe tend à abandonner la caméra à d’autres mains pour entrer dans ses images. Dans une quête inassouvie de justesse, son geste éminemment politique met en acte une solidarité qui passe par la chair.
De son propre aveu, Anticorps travaille sa position dans le monde, au contact de ses aspérités, alors qu’une exposition à la galerie Filles du Calvaire, prévue pour le mois de mars, affinera une réflexion en acte sur son langage photographique.
Artiste protéiforme, Antoine d’Agata travaille actuellement à la finalisation, à partir d’images vidéo tournées au fil de ses errances, d’un objet cinématographique que sortira cette année le label Independencia.


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