WORLD PRESS PHOTO
Le World Press Photo attribué à une image de funérailles à Gaza par Paul Hansen
Toutes les autres photos récompensées sont visibles sur le site du World Press Photo : www.worldpressphoto.org.
Le titre de photo de l'année du World Press Photo, le prix le plus prestigieux du photojournalisme, a été attribué, vendredi 15 février, à une image prise à Gaza en novembre 2012 par le Suédois Paul Hansen : elle montre les funérailles de deux enfants, tués par un missile lancé sur leur maison par l'armée israélienne. Les enfants de 2 et 4 ans sont transportés par leurs oncles, leur père ayant été tué dans l'attaque.
Une image que la photographe française Dominique de Viguerie, membre du jury, a qualifiée de "cinématographique" et d'"universelle".
Selon le président du jury, Santiago Lyon, de l'agence Associated Press : "Une bonne image doit frapper l'esprit, l'estomac ou le cœur. Et certaines, comme celles-ci, sont capable de frapper les trois à la fois."
Les opérations militaires dans les territoires occupés et la Syrie sont les deux thèmes principaux retenus par le jury du World Press Photo : des combats, des bombardements, des victimes. Mais aussi une image de torture frappante – menée par des rebelles syriens contre un informateur du gouvernement, captée en direct par le Turc Emin Özmen.
Par Claire Guillot (à Amsterdam)
Toutes les autres photos récompensées sont visibles sur le site du World Press Photo : www.worldpressphoto.org.
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Une photo « cinématographique » gagne le prix World Press
L’éclairage sophistiqué de la photo de Paul Hansen relance le débat sur la retouche des images
Amsterdam
Parmi les deux conflits brûlants de 2012, ce n’est pas la Syrie, mais Gaza qui a remporté le premier prix dans la catégorie Spot News (actualité) du World Press Photo, le prix le plus prestigieux du photojournalisme. La photo de l’année, signée du Suédois Paul Hansen, est un travail assez classique pour cette compétition, qui met en général en avant des images choc et pleines d’action. On y voit les funérailles tragiques de deux enfants palestiniens, deux frères de deux et quatre ans, tués par un missile lancé sur leur maison à Gaza en novembre 2012. Ce sont les oncles des enfants qui portent les corps, leur père ayant également été tué dans l’attaque.
Si le sujet (les funérailles), la manière et le lieu ne sont pas particulièrement surprenants, en revanche on peut être frappé par la lumière sophistiquée qui baigne toute la scène. « Par l’éclairage, par la façon dont elle est construite, on dirait une affiche de cinéma » confirme la photographe Véronique de Viguerie, qui faisait partie du jury cette année. « Elle est tellement parfaite qu’on a l’impression que les gens sortent de l’image pour dire : 'regardez ce que vous avez fait' ».
Le contraste prononcé et l’éclairage travaillé de cette image n’ont pas manqué de relancer le débat sur la question de la retouche des images par le logiciel photoshop dans le photojournalisme. Lors de la conférence de presse, le président du jury, Santiago Lyon de Associated Press, a été interrogé à ce sujet, et il s'est contenté de répéter les règles -pour le moins floues - du concours : « nous nous sommes assurés que les images retenues étaient conformes aux pratiques acceptées par la profession ». Il a reconnu que certaines images, jugées trop travaillées, n’avaient pas été retenues - mais il a refusé de dire combien. Véronique de Viguerie explique que le sujet a été âprement débattu: "le jury a eu des discussions assez longues et assez chaudes sur jusqu’où on peut aller sur la manipulation des images, sur la façon dont on peut jouer avec photoshop pour les améliorer."
Dans le photojournalisme, il est admis que supprimer un détail de l’image, effacer ou rajouter des pixels, est contraire à la déontologie. Mais les retouches de contraste, de lumière, devenues très simples à faire avec les outils numériques, sont l’objet d’incessantes discussions. « On m’a appris qu’il était admis de faire avec photoshop ce qu'il est possible de faire en chambre noire, explique Véronique de Viguerie. Mais ça dépend si on est doué ou pas dans le laboratoire ! En fait, pour moi, quand l’amélioration va à l’encontre de la réalité, quand elle aboutit à cacher une partie du contexte de l’image, on peut dire que la limite est franchie ».
Le jury du World Press photo travaille à partir des images transmises par les photographes, mais en cas de doute il peut demander à voir le fichier original, dit fichier raw, qu’on assimile souvent au négatif. « Il faut bien voir qu’un fichier raw doit forcément être travaillé pour donner une image publiable, poursuit Véronique de Viguerie. La question c’est dans quelle mesure. C’est comme l’alcool, ça doit être fait avec modération ! Car les images parlent souvent d’elles-mêmes, sans qu’il soit besoin de trop en rajouter » Dans le cas de la photo de Paul Hansen, Véronique explique qu’elle rentre totalement dans les critères du World Press. « De façon générale, nous avons été sévères… avec l’idée que le World Press fixe des normes. Donc nous avons préféré être trop stricts, sinon c’est la porte ouverte à toutes les manipulations. »
Claire Guillot
Le site du World Press Photo
Claire Guillot (à Amsterdam)
LA HAYE (AFP) - Le photographe suédois Paul Hansen a remporté le World Press Photo Award pour un cliché montrant un groupe d'hommes transportant les cadavres de deux enfants dans les rues de Gaza, ont annoncé vendredi à Amsterdam les organisateurs du plus prestigieux concours de photojournalisme.
Deux photographes travaillant pour l'Agence France-Presse ont en outre été récompensés, Fabio Bucciarelli obtenant la deuxième place et Javier Manzano la troisième dans le genre "reportages" de la catégorie "Actualités".
Le cliché de Paul Hansen, publié par le quotidien suédois Dagens Nyheter a été pris le 20 novembre 2012 dans les rues de Gaza.
Il montre un groupe d'hommes transportant vers la mosquée les cadavres enveloppés de draps blancs de deux enfants, leurs neveux, tués à l'âge de deux et trois ans dans la destruction de leur maison par un missile israélien, pour la cérémonie funéraire.
Le père des deux enfants, Fouad, a également été tué par le missile tandis que la mère a été emmenée aux soins intensifs.
"La force de cette photo réside dans le contraste entre la colère et la souffrance des adultes par rapport à l'innoncence des enfants", a déclaré le Péruvien Mayu Mohanna, un membre du jury, cité dans un communiqué: "c'est une photo que je n'oublierai pas".
L'Italien Fabio Bucciarelli, 32 ans, et l'Américain Javier Manzano ont été récompensés pour des reportages sur la bataille d'Alep, la deuxième ville de la Syrie en guerre.
Intitulé "Bataille à mort", le reportage de Fabio Bucciarelli montre notamment un jeune rebelle tenant une kalachnikov sur le toit d'une maison et un autre rebelle, au sommet d'une échelle, se préparant à lancer une grenade vers une position des soldats de l'armée, sous le regard de ses compagnons de combats.
"Je suis heureux que moi et d'autres journalistes, dont Javier Manzano, ayons gagné des prix pour notre travail en Syrie et que les gens puissent voir plus d'images de là-bas", a réagi à l'AFP le photographe italien.
"Je voudrais aussi que tous se souviennent qu'il y a des journalistes qui sont morts là pour essayer de montrer ce qu'il s'y passait", a-t-il ajouté.
Un vingtaine de journalistes professionnels, étrangers et Syriens, et une cinquantaine de citoyens-journalistes ont été tués en Syrie depuis mars 2011, selon Reporters Sans Frontières.
Sobrement intitulé "Siège d'Alep", le reportage de Javier Manzano, montre lui deux rebelles tenant la garde à l'intérieur d'un bâtiment du quartier Karmel Jabl.
L'un d'eux vise une cible inconnue avec sa mitraillette à travers un trou dans le mur. La poussière, épaisse de centaines de jours de bombardements et de fusillades, laisse passer quelques rais de lumière.
Un photographe français a également été récompensé : Denis Rouvre, basé à Bagnolet, a obtenu le second prix de la catégorie "Sports" avec une série de portraits de lutteurs de sumo japonais sur fond noir.
Pour cette édition, plus de 103.000 photos avait été soumises au jury, composé de 19 professionnels du photojournalisme et de la photographie documentaire, qui a récompensé dans dix-huit catégories 54 photographes de 32 nationalités différentes, choisis parmi 5.666 photographes de 124 nationalités différentes.
Le grand gagnant, Paul Hansen, recevra un prix de 10.000 euros et un appareil photo lors d'une cérémonie de remise de prix en avril à Amsterdam.