JAMES NACHTWEY


LA PHOTOGRAPHIE de A à Z,  LES GRANDS PHOTOGRAPHES
1,3 k vues il y a 4 ans










N comme NACHTWEY James
James Nachtwey, l’œil de la guerre


«  
 
 
photographe de guerre ».
Une photo peut changer le cours de l’Histoire 
«J’ai été un témoin, et ces photographies sont mon témoignage. Les événements de mes reportages ne devraient pas être oubliés et, ne devraient pas se répéter », telle est la profession de foi de James Nachtwey, photojournaliste américain.


Photo ci dessus :
Rwanda 1994 Un survivant des camps de la mort Hutu photo James NACHTWEY


« Traumatisé ? Non. Je fais mon métier… »

« Alors que je prends des photos, j'entends un bruit de cascade au-dessus de ma tête. Je lève les yeux et je vois la tour nord qui tombe droit sur moi. En une fraction de seconde, je réalise que je tiens une vision magnifique mais que si je lève mon appareil ne serait-ce qu'un instant, je ne survivrai pas. »
SEPTEMBRE 2011

«Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité » a écrit Nietsche. 
Nous avons les photographies de James Nachtwey pour nous permettre de toujours lutter contre l’oubli, l’ignorance ou  pire le danger de l’accoutumance.
 Alain  MINGAM

In Le Post, 23 avril 2010
James Nachtwey est probablement le plus important et le plus charismatique photographe de guerre de ces 20 dernières années. Digne successeur d’un Robert Capa mort appareil photo en main durant la guerre d’Espagne, James Nachtwey a certainement le don de l’invisibilité. Là où d’autres photographes reculent dans des zones de guerres telles que le conflit Yougoslave, Israël, Somalie (il a probablement couvert tous les conflits de ces 30 dernières années...), James Nachtwey approche au plus près en parvenant à se faire oublier des combattants qui l’entourent, d’une mère qui pleure son fils...
James Nachtwey est né en 1948 sur la côte est des États-Unis, a étudié dans une université huppée, le Darmoth collège dans le New Hampshire et a d’abord étudié l’art avant de se tourner définitivement vers la photographie. Sa carrière a été lancée par un coup de maître en photographiant en 1981 les événements d’Irlande du Nord.
James Nachtwey a reçu toutes les plus prestigieuses récompenses de ses pairs. À savoir, deux fois le World press photo, cinq fois le prix Robert Capa Gold medal, trois fois l’infinity award.
Il a également donné lieu à un film sur lui appelé War Photographer sorti sur grands écrans dans le monde entier.








Un mage au carnage
Portrait de Jean-Pierre Perrin
In Libération, 20 mars 2008
Abou Ghraib, le lieu de l’effroi. Un grand carrefour de la barbarie, près de Bagdad. Plusieurs kilomètres carrés de geôles dans lesquelles Saddam Hussein faisait jeter ses prisonniers politiques ou des droits communs. On y torturait, on y massacrait. Au lendemain de la chute du raïs, en avril 2003, les détenus ont pu s’enfuir et les portes se sont ouvertes. Dans la salle des exécutions, deux cordes

sont encore là. Face aux potences, un sphinx est assis sur le sol, immobile, impassible, les jambes croisées. Même dans cet endroit où l’humanité n’entre pas et où l’on se sent de suite mal, James (« Jim») Nachtwey cherche le meilleur angle, la meilleure lumière. Dix minutes plus tard, il est encore là. Le cadrage parfait, il l’aura : le noeud coulant d’Abou Ghraib fera la une du magazine américain Time.
Exagérée cette quête esthétique, cette recherche de la perfection à l’endroit même où l’horreur a culminé ? «Vous faîtes la même chose que moi, vous aussi, quand vous écrivez sur de tels lieux, vous cherchez à en rendre compte du mieux possible », rétorque-t-il, placidement.

Avertissement : certaines photos de guerres , famines, pandémies peuvent choquer



De formation artistique, James Nachtwey utilise l’image comme instrument de témoignage, sa conscience aiguë suscite notre réflexion. En révélant l’extrême violence exercée dans des pays où l’exercice de la prise de vue est difficile voire dangereux, Nachtwey résiste et démontre comment, dans un contexte difficile, la photographie produit une prise de conscience, une relation aux autres : l’image tenant lieu de référent historique.
Il y a chez Nachtwey une filiation contemporaine aux travaux d’Eugène Smith, de Robert Capa. Il est de ceux qui œuvrent pour un reportage authentique et exigeant. Face au monopole de l‘image commerciale, les photographies de James Nachtwey sont d’une intense vérité, elles se veulent aussi un appel à la paix. L’exposition présentée est un hommage aux photographes de guerre qui, au risque de leur vie, défendent la photographie comme un élément incontournable de l’information. Sylvie Aznavourian
Ce jour là, James Nachtwey vient de rentrer à New York en provenance de Perpignan. Il était au festival « Visa pour l’image » où il présentait la nouvelle agence VII dont il est l’un des fondateurs. Pour dépanner un confrère, le voilà au cœur de la « grosse pomme », à quelques blocs des Twin Towers



New York, 2001 - Collapse of south tower of World Trade Center.
Firefighters search for survivors in the wreckage.

Paris-Match n°2730J’emprunte à Michel Guerrin, du quotidien Le Monde***, une citation plus précise que la version qu’il donne à Lyon : « Je prépare du café lorsque j'entends un bruit métallique, comme si quelque chose percutait le toit. Je regarde par la fenêtre : une fumée noire s'échappe de la tour sud. Alors que je rassemble mes appareils, la tour nord brûle à son tour. J'avance à travers la foule qui fuit et je commence à photographier les blessés. Au moment où je cadre la tour sud et la croix d'une église voisine, au premier plan, le gratte-ciel s'écroule. »

« Alors que je prends des photos, j'entends un bruit de cascade au-dessus de ma tête. Je lève les yeux et je vois la tour nord qui tombe droit sur moi. En une fraction de seconde, je réalise que je tiens une vision magnifique mais que si je lève mon appareil ne serait-ce qu'un instant, je ne survivrai pas. »
 il ajoute : « En fait, j’étais en zone de guerre. C’est une situation que je connais bien, ça n’avait donc rien d’extraordinaire sauf une chose : ça se passait chez moi ! »
 
 
 
 
 
 
 
 
Chechnya, 1996 - Ruins of central Grozny.


A young girl warily eyes a guerrilla fighter in the Lubero district, where a rebel group meets with U.N. personnel.



Indonesia, 1998 - A beggar washed his children in a polluted canal.
 
 
West Bank, 2002 - Digging out the ruins of a shop in Jenin refugee camp.
 
 
 
 
 
 
West Bank, 2002 - Mourning the dead in Jenin refugee camp.
 
 
 
 
 
 
 
West Bank, 2000 - Palestinians fighting the Israeli army.
 
 
Ramallah, 2000. Un palestinien lançant des cocktails Molotov aux troupes de l'armée israélienne.
Ramallah, quelques années plustôt, à l’heure de la seconde Intifada. Chaque jour, les gamins palestiniens caillassent l’armée israélienne depuis une barricade de voitures brûlées. Répliques des soldats à coups de lacrymogène ou, parfois, de vraies balles qui précipitent un gosse sur la chaussée crevassée. Et, au milieu des cris, des fumées noires, dans le tournoiement des frondes, une ombre blanche : celle d’une chemise, portée sur un jean, qui vient là aussi chaque jour et que l’on voit de loin, singulièrement exposée, comme une suprême élégance défiant la furie. «Non, ça n’a rien à voir avec l’élégance. Au contraire, le blanc aveugle. Et c’est simplement pratique. C’est la couleur que les gens de la région portent le plus. Si je suis «embedded» [au sein d’une armée en opération, ndlr], je ne porte pas de blanc ».
Faut-il le croire ? « C’est un homme qui se protège par son élégance », dit son ami le photographe Alain Mingam, commissaire de son exposition sur les malades du sida, récemment présentée à Paris. Même dans cette galerie de ténèbres où les corps sont anéantis, réduits à des spectres à peine habités d’un ultime souffle, il y a une chasse à la beauté, à la perfection. Ce reproche lui est souvent fait. « “Il n’y a point de laides amours”. Si quelqu’un trouve de la beauté dans une image, c’est qu’elle existait vraiment dans cette situation », répondait-il dans une précédente interview
 
Derrière cette perfection se devine aussi une volonté d’orchestrer le chaos. Les photos, même les plus insoutenables, sont soigneusement composées, jamais prises à l’arraché. « Le paradoxe de Jim, explique Mary- Anne Golon, directrice de la photo de Time, c’est qu’il traverse sans cesse le chaos alors qu’il n’aime pas le chaos. Alors, il l’organise dans ses photos, il le canalise en lui fournissant un cadre. Pareil avec sa vie. Elle est comme ses photos, elle ne sort pas du cadre qu’il lui donne ». 


 


Chechnya, 1996 - Chechen rebel fighting along the front line against the

Russian army.
Pakistan, 2001 - A rehab center for heroin addicts.
Alabama, 1994 - Prisoner on the chain gang.
Alabama, 1994 - Prisoner on the chain gang.
 
Nachtwey, ou le dernier romantique
In L’Humanité, le 30 novembre 2002
 
 
 
 Le monde des photographes de guerre est entouré d’un halo mystérieux et véhicule une image ambivalente. Loué pour leur courage, ils sont souvent vilipendés pour leur supposé ( ?) cynisme et leur propension à se rétribuer sur le malheur d’autrui. Christian Frei, un documentariste suisse, s’est attaché aux basques de l’un des plus célèbres d’entre eux, l’Américain James Nachtwey. Pendant deux ans, il l’a suivi sur différents reportages, du Kosovo à l’Indonésie, en passant par le Proche-Orient. Ses séquences, où l’on découvre Nachtwey en train d’effectuer des prises de vue, sont entrecoupées d’interviews - toutes élogieuses - de proches ou de collègues et des réflexions du photographe sur son approche du métier. 
 
 
Northern Ireland, 1981 - Truck hijacked by Catholic demonstrators during the hunger strike of Bobby Sands.


Kosovo, 1999 - Imprint of a man killed by Serbs.
Kosovo, 1999 - Ruins of Djacovica, destroyed by Serbs.
 
Kosovo, 1999 - Deportees returned during harvest time.
 
 
Si War Photographer prend parfois des allures d’hagiographie et présente Nachtwey comme une exception, sorte de concentré d’humanité au milieu d’un océan de cynisme, ce film offre une vision assez complète de l’activité de photographe de guerre. Mieux encore, Frei réussit à multiplier les points de vue dans un montage intelligent, où il alterne les plans subjectifs d’une mini-caméra fixée en haut de l’appareil avec des plans plus larges qui dévoile l’envers du décor. Le spectateur entre à la fois dans la visée de l’appareil tout en découvrant un hors-champ indissociable du cadre de la photo. L’un des autres aspects intéressants du documentaire tient dans la découverte d’un homme singulier. Là où ses coreligionnaires travaillent en groupe, constituant une sorte d’essaim excité par la misère et la tragédie, James Nachtwey oeuvre en solitaire. D’un calme étonnant dans la tourmente, on devine la volonté de cet être posé, de refuser certains travers d’une profession contestée et admirée. Vrai naïf ou grand manipulateur, on ne sait pas véritablement dans quel camp le placer. Mais, à l’écouter et à le regarder travailler, le plus surprenant reste sa croyance dans le pouvoir de la photo. Nachtwey veut témoigner et éveiller les consciences occidentales - car c’est à elles qu’il s’adresse - afin qu’elles bousculent les autorités. Qu’il s’agisse des ravages de la guerre du Kosovo ou de la situation d’une famille de sans-logis indonésiens contrainte de vivre sur les bords d’une voie ferrée, Nachtwey veut provoquer l’action plus que la réaction. Il est impossible de mesurer l’impact des images de ce véritable esthète sur les opinions publiques et la qualité de ses photos, oeuvres d’art à part entière, peut mettre mal à l’aise lorsqu’elles quittent les pages des magazines pour rejoindre les musées. Reste que Nachtwey, dernier grand romantique de la photographie de guerre, s’interroge en permanence sur son rôle. Si War Photographer ne permet pas toujours de comprendre son véritable moteur, l’oeuvre offre une image fidèle et passionnante d’un métier méconnu.
Albania, 1999 - Kosovar deportees meeting in a refugee camp.


Somalia, 1992 - Lifting a dead son to carry him to a mass grave during
the famine.

Somalia, 1992 - Child starved by famine, a man-made weapon of mass
extermination
.



 
 
Coup d’oeil au sac photo, où les appareils sont impeccablement rangés, et à la valise, où les chemises blanches sont soigneusement pliées. Tout respire l’ordre. La discrétion aussi. Jim Nachtwey aime peu parler de lui. « Un puits de pudeur, précise Mingam, dont il ne sort que lorsqu’il se sent en confiance, en retrouvant ses copains. C’est un timide, en particulier avec les filles, une timidité masquée par son extraordinaire courage. » Beau gosse, avec l’allure un peu raide de l’échassier à l’affût, il fait pourtant battre les coeurs. Mais le boulot passe avant tout. « Il peut être sans pitié s’il voit que d’autres photographes le suivent pour le copier», ajoute Mingam. Le travail terminé, peu de chances qu’on le retrouve accoudé au bar. « Au Salvador, après une journée de combat, on avait tous besoin de décompresser, d’aller dans les cafés ou les bordels. Excepté Jim. Lui ne buvait pas, ne baisait pas. À neuf heures, il était couché », se souvient Christian Poveda, alors photoreporter. « C’est parce que je suis totalement dévoué à mon travail, explique Nachtwey. Je connais mes limites. Comme je me lève tôt, je ne peux pas sortir le soir et être en forme le lendemain. Mais croyez moi, je ne suis pas un moine ».
 
Bosnia, 1993 - Mourning a soldier killed by Serbs and buried in what was 
once a football field.
Bosnia, 1993 - Mourning a soldier killed in the civil war.

Bosnia, 1993 - Wounded soldier.
Bosnia, 1993 - Ethnic cleansing in Mostar. Croat militiaman fires on his Moslem neighbors.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Romania, 1990 - An orphanage for " incurables".


Romania, 1990 - An orphan in an institution for "incurables> ".
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

El Salvador, 1984 - Army evacuated wounded soldiers from village football field.
Afghanistan, 1986 - Mujahedin praying while on an operation against the
Soviet army.

 
 
 
tuberculosis




Pendant trente ans, le New-Yorkais a photographié tous les conflits, toutes les famines, les génocides (Darfour, Kosovo, Afghanistan, Rwanda...). Il est d'abord un journaliste qui cherche à informer. Ré­puté pour sa maîtrise des cadrages et ses lumières, cet ancien étudiant en histoire de l'art est passé maître dans l'image emblématique. Dans l'icône qui en un seul cliché symbolise une situation. Le génocide au Rwanda de 1994, avec le portrait d'un jeune homme au crâne balafré de cicatrices causées par des machettes. Les dégâts de la guerre civile en Afghanistan avec cette femme en burka, une ombre qui pleure en 1996 sur la tombe de son frère tué par les talibans.
Dans la tradition des Smith, des Capa, Nachtwey a toujours considéré qu'il pouvait modifier le cours des choses avec une image, une seule. Comme le fit en 1972 Nick Ut avec la photographie de la petite fille brûlée au napalm courant nue sur une route, qui provoqua un choc profond dans l'opinion américaine. Ce temps est révolu. La télévision a détrôné la photo d'actualité, qui est désormais présentée en galerie d'art. Bien souvent, on se contente de l'agrandir avant de l'accrocher sur une cimaise. Dans la plus grande partie de son exposition, Nachtwey montre ainsi certaines de ses photos connues. Mais avec Le Sacrifice, on comprend que le temps de l'image emblématique est lui aussi terminé. Nachtwey s'adresse à ses contemporains autrement. Avec les nouveaux codes de l'art d'aujourd'hui, plus formels, plus travaillés, moins accessibles d'emblée. Le photographe les incite à s'approcher de sa fresque, à la décrypter, à en comprendre la composition. A en ausculter l'horreur par fragments, comme lui, au bord de la table d'opération, avec l'espoir que ces images nourrissent en eux un sentiment d'empathie et de révolte. Sa seule et véritable obsession depuis toujours.
Luc Desbenoit
Telerama n° 3168 - 02 octobre 2010


Afghanistan, 1996 - Land mine victims learned to walk on prosthetic legs
at ICRC clinic.



Afghanistan, 1996 - Mourning a brother killed by a Taliban rocket.





Rwanda, 1994 - Survivor of Hutu death camp.
 

Même si des femmes ont traversé sa vie, il y a chez lui un côté apôtre, le don de la parole en moins. D’une voix monocorde, lente, sans un mot de trop, il parle de compassion, de générosité, d’humanité - « C’est tout ce que nous avons, ce qui nous illumine», des sentiments que n’expriment guère ses confrères souvent bardés de cynisme. « En tant que photographe, la pire des choses c’est de sentir que je profite de la tragédie de quelqu’un. Cette idée me hante. [.] Je sais que si je laissais ma compassion être dépassée par l’ambition personnelle, j’aurais vendu mon âme. » Son camp, c’est celui des victimes. Il croit, de façon un peu naïve, que le monde a une conscience et qu’il revient aux journalistes de la réveiller en témoignant des massacres et des famines. Il a des mots très durs sur l’Amérique de Bush.
Depuis 2000, il travaille aussi sur la maladie dans le monde, envisagée comme un autre champ de bataille, traitée avec la même foi. D’où l’exposition parisienne. « Cette fois, on est plus dans l’icône que dans la photo. On a l’impression de corps christiques, d’images bibliques. Ses photos dépassent la réalité. Il y a aussi une grande douceur. L’une d’elle fait songer à une pietà », commente Caroline Naphegyi, directrice artistique de la galerie le Laboratoire. On pense au Caravage. Ce n’est pas si étonnant chez Nachtwey, qui a fait des études d’art avant de débuter dans un quotidien du Nouveau-Mexique, puis de partir sur tous les fronts.
Sur la guerre, le meilleur des photographes actuels, le plus récompensé, a peu à dire. Pareil pour la peur, compagne obligée de quelque trente années. L’âge venant, est-elle plus prégnante ? «Non. En exerçant sa volonté on peut la dominer ». À peine plus bavard sur ses blessures. En 1981, il a sauté sur une mine au Salvador. En 2004, il est victime d’une grenade en Irak, dont les éclats l’empêchent de courir et font sonner les détecteurs de métaux des aéroports. « J’avais fait un reportage sur les soldats blessés. Et je me suis retrouvé à mon tour du mauvais côté, emmené dans le même hélicoptère, opéré sur la même table. J’étais à la place des blessés, regardant à mon tour de bas en haut. Une expérience très dramatique ».
Pas moins dramatique fut le 11 Septembre. Il aurait dû être à Paris quand les avions kamikazes frappent les Twins Towers, à deux blocs de chez lui. Il court sur les lieux, voit les gratte-ciel s’effondrer, la tour nord tomber sur lui. Il manque être happé, écrasé, enseveli, étouffé. Il suffoque, mâche de la cendre, respire des fumées toxiques, ce qui lui vaudra de tomber malade. Et rapporte les plus formidables photos sur la première guerre qu’il couvre dans son propre pays, sa propre ville.
Là, il a pu voir combien il était devenu un héros, une icône pour tous les jeunes photoreporters. « Plutôt que les immeubles par terre, c’était lui qu’ils photographiaient en train de photographier, raconte Mary-Anne Golon. Jusqu’à ce qu’il s’énerve et leur crie qu’il y avait autre chose à prendre en photo ».

« Traumatisé ? Non. » La réponse fuse. « Je fais mon métier. Bien sûr je ressens des émotions quand je suis confronté à des horreurs comme au Rwanda. Je porte avec moi ce que je vois mais c’est mon job. Je ressens les choses, mais je dois rester opérationnel ». Un temps, puis « c’est comme tous les métiers il ne faut pas s’effondrer, il faut continuer son travail. »
 
 
 
Zaire, 1994 - Hutu refugees were struck by cholera and buried in mass
graves.



James Nachtwey. West Dafur, Sudan. Mother and son.


India, 1993 - Untouchables haul a boatload of sand up the Ganges.


I



























































South Africa, 2000 affected by HIV.


South Africa, 2000 - Grandmother cared for young girl affected by HIV.

 
 
 
 
 
 
 
Zimbabwe, 2000 - In a tuberculosis ward where the great majority of the patients suffer from AIDS.


« J’étais étudiant dans les années 60, une époque d’agitation sociale et de questionnement et au niveau personnel, d’idéalisme émergent. La guerre au Vietnam faisait rage : le mouvement des droits civiques était en route et les images avaient une puissante influence sur moi. Nos chefs militaires et politiques nous disaient une chose et les photographes nous disaient quelque chose d’autre.  Je croyais les photographes et des millions d’autres américains ont fait de même »* a-t-il maintes fois raconté dans différentes interviews ou déclarations.

« Leurs images alimentaient un mouvement de résistance à la guerre et au racisme. Leurs photos ne faisaient pas qu’enregistrer l’histoire, elles aidaient à changer le cours de l’Histoire…/… Je comprenais que la photographie documentaire a la capacité d’interpréter les évènements de leur point de vue et donne une voix à ceux qui sinon n’auraient pas la parole. » *


Marion Mertens, rédactrice-en-chef adjointe de Paris Match, qui connait bien Natchwey lui demande de préciser les différences qu’il y a entre son travail du temps de l’argentique et maintenant à l’ère numérique.
« A la prise de vue, je n’en vois pas vraiment. » répond le reporter « Mais maintenant on doit faire l’éditing (ndlr: le choix des meilleures photos) et les envoyer tous les jours. Avant avec l’argentique, on n’expédiait pas les films tous les jours, uniquement pour les « bouclages » (ndlr : le jour avant l’imprimerie). On rentrait à l’hôtel et on écrivait les légendes des photos du jour, mais surtout, on cherchait de nouvelles informations pour le travail du lendemain. Avant on continuait à faire un travail d’investigation, de journalisme donc on allait plus loin dans l’information. Maintenant, le soir, on regarde le passé, on repasse le travail de la journée au lieu de s’intéresser au futur. » 
The Vietnam Syndrome

Cam Lo, Quang Tri Province. Phan Thi Hoi bathes her 14-year-old son, Bui Quang Ky. She was exposed to Agent Orange when she was in the North Vietnamese Army during the war.
By JAMES NACHTWEY/VII PHOTO







Defiance, Ohio. V.F.W. Post 3360. The U.S. government refuses to award Purple Hearts to Agent Orange victims, so the Order of the Silver Rose, an association of Vietnam veterans, gives medals to vets affected by the chemical.
Cam Lo, Quang Tri Province. Phan Thi Hoi kissing her 14-year-old son, Bui Quang Ky.
Hackettstown, New Jersey. Ryan Albertson, aged six—who suffers from spina bifida—and his father, Kelly Albertson. Ryan’s grandfather James Albertson was in the army in Vietnam during the war and was exposed to Agent Orange. Ryan does not receive benefits from Veterans Affairs.



Seventeen-year-old Nguyen Thi Hue, who is blind, with her mother.



Le Thi Tuyet, 25, with her mother, Pham Thi Manh, and father, Nguyen Van Xuan. The family lived in the area during the war and saw Agent Orange being sprayed.







Twelve-year-old Tran Thi Thang, with her mother, Ngo Thi Sen. Her father was in the North Vietnamese Army during the war and was exposed to Agent Orange



Nguyen Thanh Hai, 24, with his father, Nguyen Thanh Quang, in the foreground.



The Vietnam Friendship Village, outside of Hanoi. A home for disabled war veterans, many of whom have various forms of cancer, diabetes, and skin disease, most likely caused by Agent Orange.

biographie James Nachtwey



Né en 1948, James Nachtwey grandit dans le Massachusetts. Il est diplômé de l’université de Dartmouth, où il étudie l’histoire de l’art et les sciences politiques de 1966 à 1970.
Les images de la guerre du Vietnam et du mouvement américain des droits civiques vont profondément marquer Nachtwey et compteront pour beaucoup dans sa décision de devenir photographe. Il apprend ainsi la photographie en autodidacte, tout en travaillant sur des bateaux de la Marine Marchande, puis comme assistant d’un rédacteur d’actualités et chauffeur routier.
En 1976, James Nachtwey débute une carrière de journaliste photographe au Nouveau Mexique, puis s’installe à New-York en 1980 pour travailler comme photographe indépendant. Sa première mission à l’étranger l’amènera en Irlande du Nord, où il couvre la guerre civile durant la grève de la faim de 1981.
C’est à partir de ce moment que Nachtwey va se consacrer à photographier les guerres, les conflits et les problèmes sociaux critiques. Il produit ainsi d’importants reportages photographiques au Salvador, Nicaragua, Guatemala, Liban, Cisjordanie et Gaza, Israël, Indonésie, Thaïlande, Inde, Sri Lanka, Afghanistan, Philippines, Corée du Sud, Somalie, Soudan, Rwanda, Afrique du Sud, Russie, Bosnie, Tchétchénie, Kosovo, Roumanie, Brésil et Etats-Unis.
Nachtwey est sous contrat avec le Time Magazine depuis 1984. Associé à l’agence Black Star de 1980 à 1985, il devient ensuite membre de Magnum de 1986 à 2001, puis de l’agence VII en 2001, dont il est également l’un des fondateurs.
Le travail de Nachtwey a notamment été exposé l’International Center of Photography de New-York, à la Bibliothèque nationale de France, au Palazzo Esposizione de Rome, au Musée des Arts Photographiques de San Francisco, au Culturgest de Lisbonne, au Circulo de Bellas Artes de Madrid, à la Fahey/Klein Gallery de Los Angeles, au Massachussetts College of Arts de Boston, à la Cannon Gallery et au Nieuwe Kerk d’Amsterdam, au Carolinum de Prague, ainsi qu’au Hasselblad Center, en Suède.
De nombreuses distinctions sont venues couronner sa carrière : Common Wealth Award, Martin Luther King Award, Dr. Jean Mayer Global Citizenship Award, Henry Luce Award, Robert Capa Gold Medal (par 5 fois), Magazine Photographer of the Year (7 fois), Word Press Photo Award (2 fois), International Center of Photography Infinity Award (3 fois), Leica Award (2 fois), Bayeaux Award for War Correspondents (2), Alfred Eisenstaedt Award, Canon Photo essayist Award, W. Eugene Smith Memorial Grant in Humanistic Photography.
James Nachtwey est aujourd’hui membre de la Royal Photographic Society et a la chaire de docteur honoraire des Beaux-arts au Massachusetts College of Arts.















Revisiting 9/11: Unpublished Photos by James Nachtwey

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James Nachtwey happened to be in New York the morning of 9/11 and made his way to Ground Zero. Ten years ago, TIME published Nachtwey’s extraordinary pictures from the day, but he had not revisited those 27 rolls of film since. A few weeks ago, we had Nachtwey in the office, poring over his contact sheets, reliving the events of that Tuesday. Here, he shares his edit of those photographs, some previously unpublished (slides: 1, 5, 8, 9, 11, 14, 16), with TIME and spoke with writer David Levi Strauss about the work.
James Nachtwey awoke early on September 11, 2001, having flown in from France late the night before. It was unusual for him to be in the city at that time, when he would normally be on assignment elsewhere in the world, documenting conflicts. He took his morning coffee to the east side of his Water Street loft, and looked out across the East River to the Brooklyn Bridge. He remembers that the sky was the bluest and clearest he’d seen in a long time, a condition pilots call “severe clear.” The bridge was lit from behind, with the sun glinting off the surface of the water. Nachtwey glanced down, and noticed some people standing on an adjacent roof, looking west and pointing toward the sky. He crossed the room to the windows on the other side of the loft and saw the north tower of the World Trade Center in flames. A few minutes later, the second plane hit the south tower. Nachtwey, the greatest war photographer of our time, knew instantly that this was an act of war. He packed up his cameras, loaded all the film he had, and ran toward the burning towers.
As he had done so many times before, he was running toward something that everyone else, except for the other first-responders, was running away from. He was going to do his job: to get to the spot and document what was happening. But this time it was different. This time it was happening in his own backyard. “I’ve always gone away, and been involved in other people’s tragedies and dangerous situations, and coming back to America was always a refuge. But now the war had reached us, and I think we became part of the world at that point in a way that we hadn’t been before. Maybe it was a long time in coming, but it’s happened now, and nothing will ever be the same.”
The photographs that Nachtwey took that day, over the next twelve hours, are some of the most iconic images of 9/11: the south tower collapsing behind the cross atop the Church of Saint Peter on Church Street and Barclay; ghostly figures coated in white dust emerging from the smoke; three firemen working around their leader, on his knees, bareheaded, looking back to see the flames sweeping toward them; and the twisted, otherworldly ruins of 1 World Trade Center, looking like the “set of a silent film of the apocalypse.”
At 10:29 a.m., Nachtwey heard “what sounded like a waterfall in the sky,” and looked up to see the north tower coming right down on top of him. “I understood instantly that I had about five seconds to live, and that my chances of surviving this were very slim. It was actually a very beautiful sight, with the smoke and the metal and the paper against the blue sky. It was visually stunning, one of the most beautiful things I’ve ever seen. But it was going to kill me, and there was no time to take a picture.” He quickly scanned the area, spied the open door of a hotel across the street (the Millennium Hotel) and lunged toward it. Inside, he dove into an open elevator just as everything went black. “You couldn’t see a thing. I might have been dead, except that I was suffocating, so I knew I must be alive.” He called out to see if there was anyone injured around him who needed help, and then began inching forward in the darkness. After awhile, he saw pinpoints of light that turned out to be the blinking lights of abandoned police vehicles. “Then I knew I was outside, and I realized, well, I must not be buried under the wreckage if I’m outside.” He instinctively headed north and eventually came out into the light. Then he turned around and went back to Ground Zero.
“It was, well, what can I say? It was beyond belief. Everything was covered in that white dust, with giant pieces of metal lying around, and the buildings crushed beneath it. There wasn’t much the firemen could do, but they were still trying, searching and calling out for people. I mean it was just solid wreckage. It was so unbelievable that I guess you just had to rely on what you normally do, and just keep doing your job. And the firemen and police were there, they were doing their job, they were professional. I think they understood they’d lost a lot of their comrades, but they were holding that in pretty good. For myself, I remember trying to be a photographer and how important that seemed. It was the only thing I could do. It was my simple task.”
One of the things that made 9/11 different from many of the battlefields where Nachtwey has worked for the past 30 years was that he wasn’t seeing the bodies of the dead. “The absence of bodies put your heart in your throat, understanding how great the loss must be. There was no one to rescue, no one to treat. They were all underneath the wreckage, and they were all dead.”
Nachtwey spent the rest of the day at Ground Zero, doing his job. He had brought 28 rolls of film, and gave one precious roll away to a fellow photographer. Ten years ago, Nachtwey had not yet switched over to digital, so there are 27 contact sheets from September 11th. Fourteen of Nachtwey’s images that were posted on Time.com had 2 million page views on that first day.

James Nachtwey for TIME
Roll #6, exposure #1 showing an image of first responders carrying the body of Fr. Mychal Judge on 9/11.
On August 21, 2011, Nachtwey looked at his contact sheets from 9/11 for the first time in ten years, and it unleashed a torrent of memories. “I was surprised at how raw I still felt about that day. I realized I’d buried it and wanted to keep it buried. There must be plenty of reasons why, but they’re mostly unarticulated, and maybe they always will be. The sheer magnitude of it, the unreality, the horror, the futility, the insane, evil brilliance of the attack and the plain fact that it succeeded, the ways in which it changed the world, an overwhelming, unbearable sense of loss, because photography is a form of memory, a physical manifestation of it, and some memories want to be locked away, and I was unlocking them.”
Like all of the documentary photographers I know, Jim Nachtwey has an unshakeable belief in the power of images, and that there is a real social value in people being able to see what happened. “What sustains me is the overall value in communicating. People need to know and they need to understand in a human way. Photography is a language, with its own limitations and strengths, but these are my tools, so I have to try and use them well. I want my pictures to be powerful and eloquent. I want to reach people on a deep level. Because I’m presenting my images to a mass audience, I have to have faith that people care about things. People are innately generous, and if they have a channel for their generosity, they’ll respond. People know when something unacceptable is going on, and they want to see it change. I think that’s the basis of communication. Mass awareness is one element of change, but it has to be combined with political will.”
“In the case of 9/11, the fact that it was wrong and that it was an atrocity was obvious—it didn’t take me to prove it. All I could do was document it to the best of my ability. I think a lot of times, my pictures can actually change people’s minds, and push the process that needs to happen in a certain direction. But in this case it was going to happen with or without me. Unfortunately, the Bush administration used the emotional power of the images of 9/11, including mine, to justify and gather support for an ill-conceived invasion of Iraq, a country that had absolutely no connection to the attack on 9/11. So things get manipulated in all kinds of ways. But I really did feel the personal anger about 9/11. This was an attack on my country, my city, my neighborhood.”
Interview by David Levi Strauss


BY VALERIA GUERRERO2010/11/14
POSTED IN: CINE


“Si tus fotos no son lo suficientemente buenas, no estás lo suficientemente cerca”. Así inicia documental Fotógrafo de guerra de Christian Frei, que constituye un complejo y completo retrato de James Nachtwey, considerado como uno de los mejores fotógrafos de guerra.

"Sudán, 1993. Víctimas del hambruna en un centro de alimentación." Foto de James Nachtwey
Al observar las fotos de Nachtwey, parecería que ha hecho de esta cita de Robert Capa su consigna de vida. Ha estado más cerca de la muerte, del sufrimiento, del dolor, de la guerra, de la violencia extrema, de la injusticia, de la pobreza, que cualquier otro mortal común… y de todas esas lacras sociales que la mayoría decidimos olvidar o hacernos de ojos ciegos, pero que él las ha asumido como “su pan de cada día” para recordarnos que suceden y que no se deben repetir, como dice su página oficial.

Cámara de video que muestra a Nachtwey en acción, un fabuloso recurso técnico del documental. © Christian Frei Filmproductions
El documental de Christian Frei constituye un hábil retrato de este personaje y una reflexión sobre el oficio de un fotógrafo de guerra. Demuestra un trabajo largo, profundo y comprometido: digno del protagonista del filme. La cámara es la silenciosa acompañante de Nachtwey en su recorrido por los mayores sitios de conflicto a nivel mundial. Aparece como perfeccionista, metódico y riguroso en su oficio, lo que se refleja en su apariencia: sobrio en su vestir, pelo y atuendo impecables, incluso en las peores circunstancias. Los planos largos lo caracterizan como un hombre controlado, que no se exalta con facilidad y, en el momento de crisis, conserva la calma y toma decisiones acertadas, característica que él considera fundamental en su trabajo. Los testimonios de algunos de sus colegas, periodistas que lo conocen y otros pocos allegados refuerzan lo que dice la cámara: el profundo comprometimiento con su trabajo y el cúmulo de experiencias vividas, suficiente razón para enloquecer a cualquiera, han traído como consecuencia inevitable la soledad a su vida.
Sobra decir que estéticamente las fotografías de Nachtwey son fantásticas. Demuestran un conocimiento profundo de todas las técnicas, y una inteligencia especial para captar el instante. En un oficio tan polémico como este, donde –como se decía en el documental– los fotógrafos parecen una especie de roedores que están a la espera de que pase lo peor para disparar e irse, sin tomar parte alguna en los hechos, él hace todo lo contrario. En su obra demuestra un profundo respeto por quienes retrata, empatía con las emociones humanas y, sobre todo, comprometimiento con una tarea superior a él mismo: sus fotografías son la voz de quienes no tienen voz. Debido a ello, sus fotos son tan buenas y trascienden toda barrera cultural: pertenecen al lenguaje universal de las emociones.

"Sudáfrica, 2000 - Abuela cuida de una joven niña afectada por vih." de James Nachtwey
Al ver la película, me quedé con la sensación de que un oficio así, que demanda ese grado de comprometimiento, una profunda voluntad de cambio, es uno de los únicos que vale la pena acometer. Realmente contrastan estos valores con los de nuestra generación, que se destacan por todo lo contrario: individualismo, poca solidaridad, hedonismo y falta de compromiso para con cualquier cosa.
James Nachtwey : un témoin hors du commun
Article de Laure-Anne Caillaud, P3.

James Nachtwey, Bosnia, 1993
James Nachtwey, photographe de guerre depuis les années 1980, a sillonné le monde et  photographié la mort, la misère et la souffrance pendant plus de trente ans. Considéré comme photographe « engagé » et digne représentant de la photographie d’information actuelle, il est le plus célèbre reporter contemporain.
Incroyables ! Belles ! Éblouissantes ! Telles sont les pensées qui s’imposent devant les photos de James Nachtwey.
Présent sur tous les fronts (Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Israël, Indonésie), il s’est engagé à lutter toute sa vie durant contre ce que le monde porte d’évènements terribles, et ceci par le seul moyen de son medium et de son œil exceptionnel. Le résultat en est des séries de clichés aux cadrages et dynamismes percutants, aux lumières touchantes et aux jeux de matières particulièrement subtiles.
James Nachtwey a ainsi su rendre hors du commun un métier pourtant peu reluisant aux yeux du monde. Mais ce souci clair d’esthétique que l’on décèle dans ses photos se trouve assez surprenant, voire gênant dans tout ce que la guerre implique du point de vue moral. Ce rapport laisse un doute.
Peut-on accorder une dimension esthétique à la photographie de guerre, cas de James Nachtwey ?
Reporter de guerre est un métier difficile et dangereux qui demande  beaucoup de tact. Né vers 1956 avec Erich Salomon, père du photojournalisme, il a su évoluer grâce aux avancées techniques, économiques et politiques. La censure, hantise du photographe, fut instaurée par la reine victoria en 1856 pendant la guerre de Crimée et abattue pendant la guerre du Vietnam en 1961. C’est ainsi que le reporter gagna sa liberté d’expression et vit son métier propulsé sur le devant de la scène journalistique.
Le reportage de guerre reste à part dans le milieu de la photographie. C’est un métier que l’on décrit à l’aide de termes multiples : reporter, journaliste, photojournaliste, photographe de presse. Il se rapproche en effet plus du journaliste dont le rôle est de rendre compte des évènements. Le photojournaliste, lui, a la particularité de travailler le plus objectivement possible afin de transmettre une vision juste de la réalité. Cette objectivité force le photographe à ne pas faire intervenir sa sensibilité personnelle et donc ici d’exclure toute manifestation esthétique, preuve d’interprétation personnelle.
Pourtant ce n’est pas le cas de James Nachtwey, il semble au contraire porter un grand intérêt pour l’esthétique. C’est ce que montre par exemple la photo ci-dessus d’une femme pleurant la mort de son frère. Elle fait appel à un jeu extraordinaire sur les matières, le vêtement de la femme se confondant avec les roches présentes autour d’elle, ce qui au final donne une photo esthétiquement très belle.
On voit donc ici clairement l’apport d’une vision personnelle du photographe qui pourrait peut-être se trouver déplacée en raison de la gravité de la situation. Mais l’empêcher de prendre telle qu’il la perçoit cette photo serait lui enlever ce qui fait justement de lui un photographe : son œil. On ne peut pas lui ôter son regard comme on ne peut pas ôter l’oreille d’un musicien. On ne peut pas empêcher le photographe d’appliquer son sens de l’esthétique à une photo comme on ne peut pas empêcher un musicien de chercher à jouer juste, sauf si ça part d’une volonté. C’est sa manière d’exprimer son ressenti de l’instant qu’il a capté et de donner sens et vie à sa photo.
Chaque photographe a, de plus, sa manière de photographier. Henri Cartier Bresson, humaniste, était un génie de la photographie. Pourquoi ? Parce qu’il voyait en un millième de seconde le cadrage et l’instant à saisir qui en ferait une bonne photo et n’avait jamais besoin de la refaire.
Seulement la guerre amène un contexte différent. Ainsi, certains refusent le cadrage car leur unique objectif est de dénoncer. L’horreur captée par l’image se suffit peut-être à elle-même  mais peut-on appeler cela de la photographie ?
Le souci d’esthétique  de James Nachtwey se traduit par une beauté qu’il arrive à nous transmettre en un regard et qui nous plonge dans un monde théâtralisé. Une sensation de mise en scène se dégage, avec une atmosphère particulière, une lumière idyllique et des personnages. Mais ces impressions peuvent fausser la situation et ainsi déformer la réalité.
Le spectateur pourrait-il ressentir une fascination morbide plutôt que de l’empathie et de la compréhension?
Ces sensations qui nous envahissent ne font-elles pas oublier le rôle premier d’une photo de guerre, à savoir dénoncer une réalité choquante ?
Le but recherché par un photojournaliste est de marquer au premier regard.  La qualité esthétique empêche-t-elle d’atteindre ce but recherché ? On pourrait le penser car on voit d’abord toute la beauté de la composition et l’aspect spectaculaire de la photo avant de s’apercevoir du sujet traité.
La manière de James Nachtwey de composer ses photos les rend à la fois moins crues et plus touchantes. Le mélange de l’horreur et de la beauté peut donc déranger, mais aussi quelque part sensibiliser le spectateur.
Ce sentiment d’attirance et à la fois de répulsion nous gène mais peut être au final bénéfique parce qu’il a beaucoup plus d’impact que celui provoqué par une photo crue et violente telles que celles, par exemple, de la guerre d’Irak, plus ou moins anonymes auxquelles on finirait presque par s’habituer tant on nous montre de violence.
Pourtant, plus qu’une volonté de créer un impact sur le monde, les clichés de James Nachtwey révèlent un homme peut-être plus intéressé par la dimension esthétique de ses photos que par leur sens. Ses images induisent donc un doute quant à leur légitimité. Elles se doivent d’être journalistiques dans leur essence. Alors le travail de James Nachtwey est-il moral ?
Peut-on trouver magnifique l’emprunte d’un homme tué ? Une femme transportant le corps sans vie de son enfant ?… et pourtant c’est la sensation que l’on a. Cette façon d’esthétiser l’horreur est presque inquiétante. Dans quel but l’a-t-il fait ? Est-ce que ce ne serait pas profiter de la misère et de la souffrance des gens ? Bons nombres de photographes font ce métier pour l’argent, la renommée et profitent du malheur d’autrui à la recherche de la « bonne » photo.
Mais James Nachtwey, membre de Magnum (agence de photographes humanistes) et digne descendant de Robert Capa, nous donne peine à croire qu’il se soit abaissé à un geste aussi immoral.
Et si au contraire il s’agissait de respect et d’humanisme. Un cadrage, une lumière, un graphisme vont peut être beaucoup plus loin qu’une simple recherche d’esthétisme. Rester objectif dans un milieu aussi cruel est difficile psychologiquement pour un photojournaliste, surtout lorsque l’on « vit » cette situation de guerre où règne la peur et l’horreur. Peut-être cherche-t-il à exprimer, à transmettre son ressenti, son vécu et sa sensibilité face aux évènements. Dans ce cas James Nachtwey ne réalise plus un simple travail journalistique d’information mais un témoignage. Ce qui légitimise l’utilisation de son sens de l’esthétique et de son propre regard dans ses photos de guerre.
« J’ai été un témoin, et ces images sont mon témoignage. Les événements que j’ai enregistrés  ne doivent pas être oublié et ne doivent pas se répéter ».
C’est ainsi que l’on peut commencer à comprendre l’angle de vision de James Nachtwey.
Son objectif n’est pas seulement dénonciateur, parce qu’il ne pense pas uniquement aux futurs spectateurs. Il visualise sa manière de photographier comme une forme d’aide indirecte mais réelle aux personnes meurtries. Il a pour cela une démarche auprès des victimes : en s’approchant d’elles, en obtenant leur consentement et leur compréhension de son travail, il obtient un respect mutuel. C’est dans cette optique qu’il réalise de belles photos. Un hommage, une sorte de « réhumanisation » de la situation pour redonner une dignité aux personnes délaissées et oubliées du monde. Il y trouve un moyen de s’exprimer, d’exprimer ce qu’il ressent et témoigne de la douleur afin que chacun ne soit pas indifférent aux souffrances que certains peuvent vivre. Il n’est pas insensible et il vit toute cette horreur avec les victimes.
On peut donc comprendre l’importance pour lui de trouver un objectif plus fort que dénoncer, et de le faire transparaître par une mise en valeur personnelle des évènements.
Le film  War photographers de Christian Frei nous en apprend un peu plus sur la vie de James Nachtwey. Choqué par l’arrivée des photos de la guerre du Vietnam dans les années 1970, il décide de devenir photographe de guerre.
Il a donné toute sa vie à son métier et de ce fait n’a pas de famille. James Nachtwey est décrit comme quelqu’un qui parle peu de lui, très sensible mais ne le montrant jamais. Il s’investit entièrement dans ce qu’il fait, agissant toujours avec rigueur et persévérance.
D’ailleurs James Nachtwey n’a pas fait que des clichés « esthétiques », il a aussi réalisé des séries de photos plus réalistes, plus touchantes et qui montrent sa sensibilité, comme par exemple celle prise en Indonésie dans un bidonville longeant un chemin de fer (1998).
Tirée de cette série, la photo montrant un mendiant lavant ses enfants dans un canal pollué est une des plus touchantes selon moi par sa proximité avec le sujet central. Il a photographié la vie de cet homme avec sa famille ainsi que la misère générale qui règne là-bas. Les images qui en ressortent montrent son respect des personnes, sa lumière amène une douceur qui humanise la situation, son cadrage lui permet de cibler sa dénonciation. Rendre compte d’une situation dramatique n’est pas évident, il essaye de le faire avec compréhension. C’est ce qui permet de qualifier ses photos d’extraordinaires et de n’éprouver que du respect et de l’admiration pour cet homme.
Sources :
• Film
War Photographer de Christian Frei.

• Articles sur les reporters

Emmanuelle Anizon « Montrer ou cacher les corps, un choix stratégique», Télérama, n°2696, le 12 septembre 2001.
Véronique Brocard « L’homme à scoops», Télérama, n°2590, le 1er septembre 1999.

• Exposition

Erich Salomon Le roi des indiscrets, 1928-1938 au Jeu de Paume (Paris) du 12 novembre 2008 au 25 janvier 2009.
• Sites
www.evene.fr : photographie d’information
www.jamesnachtway.com

fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Capa


  1. James nachtwey war photographer part 1 - Vidéo Dailymotion

    www.dailymotion.com/.../x3tb5g_james-nachtwey-wa...20 déc. 2007 - 5 min
    James nachtwey war photographer part 1. ... James Nachtwey - Monterey California 2007 part1. Par ...


Nachtwey par Alain Mingam
James Nachtwey : « anti-war photographer »
Cannes  ou Bangkok ? Son sang n’a  fait qu’un tour .
Invité par un magazine à donner une vision décalée du Festival au milieu d’une bataille obligée de paparazzi et de« people »  du septième art, James Nachtwey fût incapable du moindre cinéma !   Avec une sincérité touchante de mal-être, au bord du légendaire tapis rouge, le photographe américain prit la décision sans appel d’annoncer au rédacteur en chef son retour immédiat pour  assister au tragique dénouement de la guerre civile qui ravageait la capitale thaïlandaise.
Vaille que vaille : être « at the right place at the right time » comme le voulait Robert Capa, c’est là une constante de caractère de celui qui est encore considéré comme le plus grand photographe de guerre. « Anti-guerre » préfère toujours rectifier James qui depuis ses débuts en Irlande du Nord en 1981 n’a cessé de « couvrir »tous les conflits  majeurs des vingt dernières années jusqu’à ces derniers jours de Bagdad à Bangkok  .
Face à la banalisation de toutes les violences qui submergent en boucle le téléspectateur ou l’auditeur, les images de James Nachtwey arrêtent le temps, restituent leur dignité à toute les victimes des guerres oubliées  ou recommencées de Kabul à Gaza .
Elles incrustent dans la mémoire de chaque citoyen du monde, tels des remparts inespérés contre le linceul de l’oubli, la photographie d’un adolescent au visage  balafré de coups de machette au Rwanda , d’une femme  digne et terriblement seule sous sa « burqa » dans un des cimetières désertés de Kabul, d’une mère apportant les derniers soins à son fils blessé au Darfour. C’est un  jeune gamin d’Haîti  aux deux  jambes  meurtries qui ne frappent  plus désormais le ballon de la Coupe du monde de football  que sur l’effigie de son tee-shirt jaune , rescapé comme lui du tremblement de terre. James l’a souligné dans une pleine page de Time magazine : « La plupart des Haîtiens ont  toujours vécu dans une société qui s’accroche au rebord étroit d’un précipice au dessus d’un abysse – avec sur un plateau au dessus d’eux les « riches » invisibles derrière les vitres noires de leur Land Cruisers .Ils continuent de supporter leur propre histoire - dans un crescendo de privation et d'épreuves, relevées par la force avec un sens de la  fierté et du respect de soi  né dans les  combats de l'esclavage, entretenu  par la pauvreté, la  lutte et  la foi."
«  J’espère que ceux qui regardent mes photos reconnaissent à travers ses souffrances la dignité de l’être humain même dépouillé de tout » atteste l’ancien photographe de l’agence MAGNUM et co-fondateur de l’agence SEVEN 
Du Kosowo à la Palestine ou en Afghanistan jamais ne perce dans les reportages de l’envoyé spécial de « TIME » depuis 1984  la moindre lassitude ou accoutumance à l’horreur, qui atténueraient la force de son témoignage, en le rendant coupable aux yeux de certains de faire commerce des tragédies humaines vécues.
« Le plus grand problème auquel je suis confronté dans mon travail de photographe de guerre, c’est le risque de profiter de la détresse des autres . Cette pensée me hante,  souligne –James Nachtwey. Elle me tracasse jour  après jour , car si je laissais la carrière et l’argent prendre le dessus sur ma compassion, je vendrais mon âme »
Admirateur zélé de Goya  et de Le Caravage, James  porte à son paroxysme la   représentation du deuil humain, dans ce qu’il a d’insupportable mais en même temps  d’indispensable  à la dénonciation des horreurs vécues.
Homme révolté  à la manière d’Albert Camus, et à l’échelle de la planète , James Nachtwey met  en effet son  sens de l’image au service d’un humanisme qui tire encore plus sa raison d’être des leçons des guerres  recommencées, pour éviter la contagion de cette peste nouvelle qu’est l’indifférence érigée en système de pensée.
Cette idée l’obsède, avec une honnêteté trop affichée pour être vraie  prétend une certaine critique toujours facile.  C’est mal le connaître ou pratiquer le détournement de sens de ses icônes réalisées .Car la guerre ou les catastrophes naturelles ne sont  pas les seuls théâtres de son engagement.
James Nachwtey s’est  aussi attaqué  depuis plus de deux ans à l’indifférence qui précède, comme une mort déjà admise, le destin des victimes oubliées du sida et de la tuberculose en Asie comme en Afrique .
C’est  en permanence la clarté  et la force de ses convictions d’homme qui font la puissance et  l’équilibre  de ses cadrages criant de vérité .
Adepte du 35 mm, et opposant déclaré à l’usage du téléobjectif, James Nachtwey fait de son propre corps en mouvement le seul « zoom » naturel de son étonnante acuité visuelle  pour se retrouver toujours « right in the middle »,  en plein milieu de combats ou d’exécutions à Kunduz, Bangkok  quand  le danger, la peur, éloignent parfois certains
confrères.
Car le citoyen américain qu’il est, laisse d’abord s’exprimer le photographe pour ne jamais s’interdire la moindre opportunité d’une image, fut-elle dérangeante pour la pensée hégémonique de son propre camp.
Il est en cela héritier d’une tradition de liberté de pensée et surtout de photographier depuis le temps  de la guerre de Sécession en 1862 quand Mathew Brady, cité par François Robichon dans « Comment voir la guerre » faisait dire au New York Times : «  qu’il avait apporté à la maison la terrible gravité et réalité de la guerre ». 
Il est évident  de dire que James Nachtwey ne peut pas voir la guerre…en peinture, tout comme les scènes de genre qui ont ponctué trop souvent les principaux conflits qui se sont succédés depuis.
C’est pour cette raison essentielle qu’il préfère l’usage du noir et blanc, malgré une maîtrise, parmi les plus reconnues, de la couleur dont il fait la démonstration cinglante une fois de plus dans les décombres du » World Trade Center. » Comment peindre le mal sans jamais le reconduire ? C’est cette question récurrente  entre politique et esthétique que nous prescrit le travail  de James Nachtwey  pour que tout débat nécessaire sur la forme n’occulte pas le droit du photographe de rester  indigné devant la réalité des faits.
L’homme qui a toujours eu besoin, selon ses propres termes, « de se convaincre lui-même de devenir photographe de guerre avant de convaincre le monde », du bien fondé de son choix, a gardé toujours intacte la foi inébranlable de ses débuts
On pourrait reprendre aujourd’hui ce qu’il écrivait  déjà en 1985 :
« Pourquoi photographier la guerre ? Les guerres  existent depuis que l’être humain existe. Et au fur à mesure que les hommes  se « civilisent », leurs méthodes destinées à exterminer leurs semblables deviennent plus efficaces , plus barbares . Aujourd’hui , le monde est toujours en guerre. Et il y a peu de raisons d’espérer que cela changera . La photographie peut-elle avoir une incidence sur un comportement humain qui traverse toute l’histoire ? Une ambition ridiculement prétentieuse, à ce que l’on pourrait croire . Et pourtant c’est cette ambition qui me motive pour photographier la guerre »
Ses images sont chacune une des pièces maîtresses des « Guernica » télévisuels que nous offrent « en direct live » les écrans  du monde
sur CNN ou AL JAZEERA  -
Chaque cliché de James Nachtwey incruste en effet en  chacun d’entre-nous le temps –« d’après – la - télévision »- pour faire de notre mémoire de citoyen du monde le réceptacle des moments  forts de l’actualité brûlante qui consume notre vigilance à force de banalisation.
«Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité » a écrit Nietsche.
Nous avons les photographies de James Nachtwey pour nous permettre de toujours lutter contre l’oubli, l’ignorance ou  pire le danger de l’accoutumance.
 Alain  MINGAM












The Red Shirts anti-government protests in Bangkok are Thailand’s most violent in recent times, with many protesters and government forces killed and wounded. The Red Shirts are a group that supports the country’s deposed Prime Minister Thaksin Shinawatra, now living in exile, and are demanding for the removal of the current government, supported by the Yellow Shirts.












  1. James nachtwey war photographer part 1 - Vidéo Dailymotion

    www.dailymotion.com/.../x3tb5g_james-nachtwey-wa...20 déc. 2007 - 5 min
    James nachtwey war photographer part 1. ... James Nachtwey - Monterey California 2007 part1. Par ...

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