Manfred Thierry Mugler,
HOMMAGE
"Ma mesure, c'est la démesure!"
Manfred Thierry Mugler, artiste de génie et créateur spectaculaire. Nous nous souviendrons toujours de la première fois qu’il a franchi la porte de Polka en juin 2019. Un homme fort au physique impressionnant, habillé d’une doudoune dorée, un apparat pas très discret et pourtant…
Nous connaissions mal son travail photographique avant qu’Alain Caradeuc, un de ses proches amis, et Jean-Baptiste Rougeot, son fidèle manager, nous le présentent. Après avoir publié son premier livre en 1988, intitulé “Photographe”, aux éditions du Regard, Mugler avait reçu plusieurs propositions d’exposition mais il n’avait jamais rien accepté: “Cela demandait de se mettre en avant. Et je ne voulais pas.”
Cet homme, habitué des projecteurs, était en réalité quelqu’un de très discret; tout son talent, il le gardait pour ses créations et ses spectacles. Un vernissage ou une séance de signatures lui demandait de réels efforts: dans une exposition, impossible de se cacher derrière ses sublimes modèles, c’est lui qu’on regarde vraiment.
Mais cette année-là, il était prêt à franchir ce cap. Sa rétrospective “Couturissime” se lançait au Canada, avant de partir faire le tour du monde. Il voulait préparer un nouveau livre de photographie et cherchait une galerie pour l’accompagner. Ce fut Polka.
Parler ensemble de son exposition a été simple. Il était juste curieux de voir comment nous allions mettre en avant cette partie de lui.
La photographie est l’une de ses premières passions qui remonte à ses 14 ans. Il apprend seul. Déjà, il y met toutes ses idées, du stylisme à la direction artistique. Il s’envolera ensuite vers la scène de l’Opéra avant de revenir à la mode dans les années 1970 et de lancer très vite la maison de couture Mugler. Dès le début, il connait l’importance de l’image et demande à Helmut Newton – dont il aime particulièrement le travail – de photographier ses premières créations. Ensemble, ils font deux grandes séances photo, à Paris et à Acapulco. Et à chaque fois, Mugler prépare tout! Jusqu’aux premiers Polaroids. Agacé, le grand Newton lui dira: “Ça suffit maintenant, si tu sais ce que tu veux, prends l’appareil et fais ta photographie!” Et Mugler de lui rétorquer: “Helmut, tu as perdu un client. La prochaine campagne, c’est moi qui la ferai!”
Sa carrière de photographe est lancée. Les premiers shootings donnent le ton: ils sont vertigineux. Publié dans “Vogue” et “Marie Claire”, Mugler ne met pas en avant que ses propres créations. Il travaille pour Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa ou Claude Montana. Son audace est félicitée par les plus grands et notamment par celui qui est devenu son grand ami: Helmut Newton.
Mugler aimait lancer: “Ma mesure, c’est la démesure!” Ses photographies follement “parfaites” le confirment. Toujours pures, sans trucage et sans montage. Et cela, quoi qu’il en coûte. “Ce qui me guide, c’est la quête du lieu parfait, et le lieu parfait n’est pas forcément facile d’accès ou prêt pour un shooting. Ma photographie est une aventure, elle se fait souvent dans des conditions extrêmes”, confiait-il à Polka. Que ce soit au fin fond du Sahara algérien, au pied des icebergs du Groenland ou en haut du Chrysler Building à New York, l’artiste n’a pas de limite et tout le monde doit suivre, jusqu’aux mannequins, aussi aventurières que lui! “C’est pour cela que je les adore. A la fois belles et courageuses!” Les femmes Mugler posent en talons aiguilles et corsets serrés dans ces décors délirants. Même pas peur. Des femmes fortes et fières.
Aujourd’hui, une porte se referme. Manfred Thierry Mugler est parti en toute discrétion. Un immense talent à la hauteur d’une sublime folie. Le monde de la photographie rejoint celui de la mode. Nous vous saluons et vous remercions, monsieur Mugler.
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