ANNE REALICK
[Regardez voir !]l'émission du dimanche 29 mai 2016
Anne Rearick, saisir la beauté plutôt que la violence...
« Je photographie ce qui me touche ou me secoue »Je crois qu’on a assez de violence autour de nous, je m’intéresse plutôt à la beauté et à l’humanisme. Anne Rearick
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par Brigitte Patient
le dimanche à 23h15
Anne Rearick, saisir la beauté plutôt que la violence...
Anne Rearick
« J’affronte sans cesse la question de savoir à qui profite mes clichés »
Brigitte Patient et Anne Rearick
Anne Rearick et Brigitte Patient © - 2016
Je crois qu’on a assez de violence autour de nous, je m’intéresse plutôt à la beauté et à l’humanisme. Anne Rearick
Elle est américaine et, à part elle, personne ne pourra comprendre l’histoire d’amour, qui dure depuis quinze ans, et qui s’est tissée entre cette jeune femme raffinée et l’espace du Pays Basque français qu’elle a investi pour le photographier. Elle a aimé des espaces, des gens, des paysages, des perspectives, des anecdotes, des relations des gens aux animaux, des enfants aux bêtes et aux arbres et, discrètement, elle a, avec une rare tendresse, enregistré ces moments qui étaient tellement éloignés de sa propre culture.
Elle s’inscrit, évidemment, dans une tradition de la photographie documentaire, si longtemps méprisée en France, qui lui permet d’approcher avec une grande liberté une évidente sympathie, une simple envie de garder trace, des moments qu’elle vit, par choix, dans ce territoire à la culture complexe qui lie la France à l’Espagne.
Pas de souci politique, pas de choix biaisé, simplement le bonheur de deux découvertes. D’une part celle d’un paysage, parfois traversé dans le lointain par un personnage qui va le structurer et dont elle apprécie la beauté, par ailleurs la découverte de gens, ordinaires et à la richesse exceptionnelle qui acceptent, entre travail et dialogue, d’abandonner leur image à la photographe. Et elle sait, aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud, porter le même regard généreux sur les gens pour des images qui veulent, avant tout, nous dire le plaisir de l’instant et la qualité de la rencontre.
C’est en 2004 qu’Anne Rearick part à la rencontre des Xhosas, population noire qui vit dans deux townships du Cap. Pendant plus de dix ans, elle y retournera régulièrement, notamment dans celui de Langa, où elle tisse des liens forts et intimes avec ses habitants. Autant d’années nécessaires pour comprendre la réalité de cette société sud-africaine : au début, Rearick ressent l’espoir qui suit la sortie de l’Apartheid. 20 ans plus tard, la société est désabusée, victime de la ségrégation économique. Violences, meurtres, alcoolisme et maladie font le quotidien du township… C’est pourtant tout autre chose que nous montrent ses photographies : elles en extraient la beauté d’un quotidien. Dans la pudeur et la poésie, Anne Rearick témoigne.
Ce travail a été exposé à Visa pour l’Image à Perpignan en 2014 et a reçu le prix Roger Pic (SCAM).
Cet homme reconstruisait sa maison suite à un incendie. Cela arrive souvent à cause des poêles à bois et des lampes à pétrole. Il m’a impressionné, car malgré sa situation il s’est livré à mon appareil avec une dignité et une ouverture incroyable.
J’ai souvent photographié des petites filles. C'est une forme d'autoportrait. A. Rearick
Cela fait partie de mon travail de construire des relations profondes, cela permet des photos plus poétiques.
In many respects I have been making pictures my entire life, although I didn't own a camera until I was 25 years old. The first image I made was of my grandmother, tall, in front of a blossoming lilac bush, when I was five. I blinked and there it was and still is, an image wholly intact which gives me strength and solace. I found, at five, a measure of power in this act of image-making, a way of holding on, of parsing what matters, of creating a placemark for all that the image signifies.
Anne Rearick's humanist vision is documentary in nature, but also uniquely personal. In all of her work, Rearick endeavors to portray and celebrate the full range of day-to-day experience of her subjects. Rearick works over time, often photographing her subjects over the course of years, and in doing so creates lasting bonds with people and place. In many respects, Anne Rearick stands with her subjects instead of in front of them.
Anne is the recipient of numerous grants, fellowships and awards to support her photographic projects, notably a Guggenheim fellowship, the Roger Pic Prize, the European Mosaique Prize, Fulbright/Annette Kade fellowship and two New England Foundation for the Arts/Mass Cultural Council grants. Recently she was awarded a John Anson Kittredge Fund for the production of Township, her new book on post-apartheid South Africa. Rearick received a Master of Fine Arts from the Massachusetts College of Art and has worked as an educator and artist for the past 25 years.
Rearick's book of photographs from post-apartheid South Africa, Township, will be released in May 2016 by Clémentine de la Férroniere, Paris. The monograph Anne Rearick's Eye (editioned as Miresicoletea), an exploration of life and culture in the French Basque country, was published by Editions Atlantica, Paris in 2004. The San Francisco Museum of Modern Art, Bibliotheque Nationale in Paris, and the Centre Nationale de L’Audiovisuel in Luxembourg are among the many public collections that include Rearick's photographs.
Anne Rearick is featured in the 2014 French film Jean Dieuzade, Regards en Partage, an homage to photographer Jean Dieuzade and exploration of documentary photography as seen through the eyes of three contemporary photographers.
Anne Rearick's photographs are distributed internationally by Agence Vu, in Paris.PUBLICATIONS
2016
Township, Editions Clémentine de la Féronniere, Paris
2012
Celebres Visages, Paris
2007
Les Aventuriers de la Culture, Paris
2006
VU, Edited by Robert Delpire, Paris
Cahiers de Cancres, Les Arenes, France
80 + 80, photo_graphism, Aman Iman Creations, Paris
La Terre, Editions du Chene, Paris
2005
Est-ce ainsi que les hommes vivent? Editions du Chene
2003
Miresicoletea, Editions Atlantica, Biarritz, France
A TRAVERS LA PRESSE
Par Patricia Blettery Publié le 04-09-2014 Modifié le 04-09-2014 à 23:10
Depuis 10 ans, Anne Rearick se rend en Afrique du Sud dans la banlieue sud du Cap. Elle assiste aux mariages, aux enterrements, à tout ce qui fait la vie quotidienne des habitants du township de Langa, à tout ce qu’il y a de plus sacré aussi. Avec son appareil photo, elle aime capturer les petits instants, les petits détails. Ses images carrées, en noir et blanc sont d’une infinie douceur. Exposée pour la première fois à Visa pour l’image, la photographe américaine nous raconte ce voyage intemporel, poétique et amoureux.
RFI.fr
Par Patricia Blettery Publié le 04-09-2014 Modifié le 04-09-2014 à 23:10
Depuis 10 ans, Anne Rearick se rend en Afrique du Sud dans la banlieue sud du Cap. Elle assiste aux mariages, aux enterrements, à tout ce qui fait la vie quotidienne des habitants du township de Langa, à tout ce qu’il y a de plus sacré aussi. Avec son appareil photo, elle aime capturer les petits instants, les petits détails. Ses images carrées, en noir et blanc sont d’une infinie douceur. Exposée pour la première fois à Visa pour l’image, la photographe américaine nous raconte ce voyage intemporel, poétique et amoureux.
Quand démarre cette aventure sud-africaine, dans le township de Langa ?
J’ai commencé mon projet en 2004 et petit à petit, je me suis de plus en plus impliquée dans la vie du township. J’ai fait connaissance avec des gens qui sont devenus des amis. J’ai connu de plus en plus de familles.
Qui vous a permis de faire connaissance avec ces gens ?
Une femme qui s’appelle Cindy, que l'on voit d'ailleurs dans mon exposition. Elle travaillait comme domestique chez des connaissances. Je lui ai demandé si je pouvais venir avec elle dans le township, chez elle. C’est elle qui m’a introduit. Et grâce à elle, j’ai fait des connaissances plus rapidement. J’ai eu la confiance des gens grâce à elle.
Et pendant 10 ans, vous êtes revenue dans le même township ?
Au début je suis allée au township de Khayelitsha et Guguletu, et aussi à Mitchell's Plain . Mais j’ai préféré revenir au township de Langa. C’est l’un des plus vieux. Et aussi parce que je commençais à bien le connaître, à connaître les gens. Je m’y sentais plus en sécurité. Quand je marchais dans les rues. Les gens m’aidaient. Ils me disaient les endroits où je ne devais pas aller...Là où il y avait des gens dangereux. J’aime beaucoup le township de Langa. Il est confortable. Je m'y sens chez moi.
Votre travail est une photo de l’après-apartheid ?
J’ai commencé 10 ans après la fin de l’apartheid. J’ai senti qu’il y avait de l’espoir. Il y avait les élections. Les gens espéraient un travail. Ils voulaient une vie qu’ils avaient méritée…20 ans après, ils sont désabusés. Les choses n’arrivent pas assez vite. Le gouvernement est un peu chaotique, il me semble. La violence, c’est de pire en pire. En Afrique du Sud, le viol est fréquent. Les violences conjugales également. Il n'y a pas de travail, pas de futur, alors les gens sont désespérés. Et deviennent violents. Ce n’est pas dans leur culture. C’est juste une conséquence des problèmes économiques qu'ils rencontrent.
Vous avez eu peur ? Vous vous êtes sentie menacée ?
Je me suis fait agresser et on m’a volé mon appareil photo. Alors j’étais très en colère. Après, j’ai réalisé et j’ai eu peur. La colère et puis la peur. Mais pas plus que ceux qui vivent sur place.
Le fait d’inscrire ce reportage photo dans la longueur influe sur le rendu des photos ?
Je crois que les photos deviennent plus fortes, plus intimes. Peut-être plus honnêtes, plus profondes. Je « plonge » véritablement, je me permets d’aller plus loin.
Est-ce qu’il existe justement une bonne distance vis-à-vis des gens que l'on photographie ?
Il y a de toute façon une distance avec les personnes du township. Une distance culturelle, raciale, économique. Mais j’ai du respect pour eux et j’essaie de « plonger » vraiment dans leur vie... au plus loin qu’ils me le permettent. Et je suis vraiment privilégiée, car ils me laissent entrer dans des événements de leurs vies privées, les enterrements, les mariages...des moments sacrés pour eux.
Il y a une grande douceur, une grande sérénité dans vos images malgré l'insécurité ?
C’est ce que j’ai voulu montrer. J’ai voulu monter un côté plus complet de la vie quotidienne. On connait déjà le côté dur, violent, la pauvreté, le désespoir en Afrique du Sud. J’ai voulu compléter l’image que l’on a de ce pays.
Pourquoi ce format carré ?
Ça fait longtemps que je travaille en carré. L’une des premières personnes que j’ai admirées pour son travail c’était Dorothea Lange, Diane Arbus. J’aime beaucoup la pellicule plus large, les détails, la façon dont la peau ressort. Je vois très bien en carré. Le peintre Vermeer ne faisait pas non plus du 24x36 !!! C’est mon format. J’essaie de changer mes habitudes. Mais je reviens toujours au format carré.
Quel appareil photo ?
Un appareil Hasselblad argentique…Je travaille toujours en argentique.
On a du mal à dater vos photos...
Je crois que c’est moi qui implique cela. Je cherche quelque chose d’intemporel. Des choses poétiques. Universelles.
Vous allez retourner en Afrique du Sud ?
Oui je vais y retourner, car je veux garder le contact avec les femmes surtout. Ces femmes avec qui j’ai un rapport très fort. Je veux les suivre. Je vais peut-être aller sur la côte ouest, en territoire xhosa, car c’est rural. C’est moins violent. C’est le rêve des gens du township de retourner là-bas. Construire une vie là-bas. Ma
Anne Rearick
Anne Rearick est née dans l’Idaho, aux États-Unis, en 1960. Sa vision humaniste est à la fois documentaire et très personnelle. Elle travaille lentement, photographiant souvent sur des périodes de plusieurs années, ce qui lui permet d’approfondir ses relations avec les gens et les lieux au fil du temps. Anne Rearick essaie de dépeindre et de célébrer toute l’étendue de l’expérience quotidienne de ses sujets, se tenant, à bien des égards, au même niveau qu’eux plutôt que face à eux.
Anne Rearick a obtenu en 1990 un MFA (Master of Fine Arts) du Massachusetts College of Art et travaille en tant que photographe et professeure depuis vingt-cinq ans. Elle a reçu plusieurs prix et récompenses, notamment une bourse Guggenheim pour un travail sur la culture de la boxe amateur ; le prix Roger Pic de la SCAM pour son travail au long cours en Afrique du sud ; le prix European Mosaique qui lui a permis d’explorer les communautés rurales d’Italie et d’Écosse ; une bourse Fulbright/Annette Kade pour le Pays Basque français et deux bourses de la New England Foundation for the Arts du Conseil culturel du Massachusetts.
Le travail d’Anne Rearick sur le Pays Basque a été collecté dans l’ouvrage Anne Rearick’s Eye, Miresicoletea, publié en 2004 aux Éditions Atlantica, France. Un recueil de ses photographies d’Afrique du Sud, intitulé Township, est publié en 2016 aux éditions Clémentine de la Féronnière, Paris. Certaines de ses photographies se trouvent dans des collections publiques, telles que la Bibliothèque nationale de France, le Centre national de l’audiovisuel du Luxembourg et le Museum of Modern Art de San Francisco. En 2014, Anne Rearick figurait dans le documentaire français Dieuzaide, regards en partage, un hommage au photographe français Jean Dieuzaide vu à travers le regard de trois photographes contemporains travaillant dans la tradition humaniste. Les clichés d’Anne Rearick sont distribués partout dans le monde par l’agence VU’, Paris.
Agence VU'
Exposition :
Édition : Township