Édouard Elias
Les routes migratoires vers l’Europe se ferment les unes après les autres.
Barrières des enclaves espagnoles en terre marocaine. Accord entre
l’Europe et la Turquie. Fermeture des frontières des voisins de la
Grèce. Barbelés en Hongrie, Macédoine, Bulgarie.
Une seule route reste « ouverte » : la plus dangereuse, la plus longue,
celle, en Méditerranée centrale, dite du Canal de Sicile. Les migrants
embarquent sur des plages de Libye, parfois d’Égypte, espérant rejoindre
l’Italie. Selon l’Office International pour les Migration (OIM), 2 765
personnes au moins se sont noyées entre le 1er janvier et le 15
septembre de cette année. D’autres, sans doute, avalés par la
Méditerranée, resteront à jamais inconnus.
Au cours de la même période, 129 126 personnes ont été sauvées et ont débarqué en Italie.
Cette route-là a changé. Les passeurs se sont organisés. Presque plus de
ces grands bateaux en bois, chalutiers au rebut. Maintenant, ce sont
des canots pneumatiques blancs de 10 mètres de long, made in China,
infiniment plus fragiles, au fond souple rigidifié artisanalement par de
grosses planches vissées. Ils ne tiennent pas la mer, ploient sous le
nombre de passagers – 120, 130 -, se cassent par le milieu. Ils partent
sans eau et sans nourriture avec quelques bidons d’essence et souvent un
téléphone portable pour appeler les secours. Ils n’ont aucune chance
d’atteindre Lampedusa, l’île italienne la plus proche de la Libye, par
leurs propres moyens.
L’opération militaire européenne Sophia, lancée en juin 2015, vise à
surveiller et identifier les canots. Les navires engagés sauvent des
vies, même si ce n’est pas leur mission première.
Parallèlement, des ONG ont affrété leurs propres bateaux. Dont l’unique mission est de sauver des vies.
Les photos et les témoignages présentés ont été prises et recueillis à
bord de l’ Aquarius, affrété par SOS Méditerranée en mars et avril 2016.
le travail du photojournaliste Édouard Élias, les visages d’exils capturés à bord du navire Aquarius de l’ONG SOS Méditerranée.