JEAN-CHRISTOPHE BECHET
Jean-Christophe Béchet.
Accidents, une balade à travers les procédés photographiques
Exposition, jusqu au 15 Mars 2014.
du mer.au sam.14h-19h
Les douches galerie
5, rue Legrouvé, Paris 10em
entrée libre.
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Quand une photo ratée révèle une poésie insoupçonnée
"pourquoi la photographie, comme le jazz, n'introduirait-elle pas sa part de surprise?, j'aime quand mes images s'affranchissent de la technique.J'ai sélectionné les accidents qui créent une épaisseur fictionnelle"Jean-Christophe Béchet
Il y a peu de place pour les accidents photographique dans l'ère du numérique. L'exposition consacrée à Jean-Christophe Béchet évoque un temps où les accidents de laboratoire, les images involontaires ou ratées faisaient partie du quotidien du photographe.
Cherchant en vain à représenter la bave d’un animal haletant, le peintre grec Protogène jette finalement de dépit une éponge sur son œuvre. Il obtient alors, par « hasard », le rendu qu’il recherchait… Cette anecdote, racontée par Pline l’Ancien, est citée par Pierre Soulages pour expliquer l’importance des « accidents » dans sa peinture.
Chaque pratique artistique crée ses propres accidents. Ils vont s’opposer à la maîtrise technique, au « professionnalisme ». Ils vont introduire un espace de surprise et d’improvisation. En photographie, art « mécanique », l’accident sera tributaire de l’outil utilisé. Comme en musique, où l’instrument impose sa propre personnalité.
Par nature, un accident est un évènement néfaste, négatif, malheureux. C’est pourquoi, en photographie comme dans les autres arts, l’accident doit être un ratage, une bévue, une erreur. S’il est volontairement recherché, il devient un effet de style et un maniérisme.
Dans chacun de mes livres, j’ai intégré des images du réel « involontaires » et « inconscientes ». Face à eux, comme devant l’éponge de Protogène, on peut parler de petit miracle esthétique. Tout créateur aime, je crois, ce moment où son travail s’affranchit de sa propre maîtrise et de son savoir-faire.
Mes « accidents » photographiques portent la trace des technologies argentiques. En noir et blanc, comme en couleur. Les accidents qui m’importent sont ceux qui possèdent une épaisseur fictionnelle. Souvent ils étirent le temps, créant une sensation de travelling. L’image n’est plus coupée de son hors champ. L’irruption de la lumière, de la matière, des griffures… ancrent les images dans une autre dimension documentaire. L’accident révèle ici la spécificité photographique qui mêle réel et fiction, narration et documents, poésie et vérité de l’instant.
L’accident photographique, le « vrai », survient par la force du hasard et de l’inconscient. Il prend la forme d’un hasard « objectif » que l’on espère sans doute un peu… mais qui ne sera jamais une démarche consciente. On ne choisira pas un matériel parce qu’il « crée » des accidents. En revanche, on se méfiera de ceux qui prétendent les éradiquer.
La découverte d’un accident réussi offre une respiration de bonheur. Décider d’en faire une œuvre à part entière, c’est instaurer un dialogue et une connivence avec le public. C’est aussi démontrer par l’absurde que c’est dans l’improvisation, et même les « couacs », que notre travail tient. Cela atteste de la liberté d’un style. Comme ces jazzmen qui s’emparèrent avec virtuosité du free jazz pour pousser leur instrument aux limites extrêmes de leur technique.
L’accident survient alors dans une disponibilité totale à ces hasards objectifs qui créent le bonheur du désordre. L’accident perturbe l’ordre, l’électronique, la sécurité, la répétition, la maîtrise… Il est plus que jamais nécessaire à la photographie du réel.
Jean-Christophe Béchet
7/01/2013