VIVIAN MAIER


 

 

 

 

 

 

VIVIAN MAIER



LA PHOTOGRAPHIE de A à Z,  LES GRANDS PHOTOGRAPHES


La nounou au Rolleiflex

Vivian Maier est peut-être l’une des plus grandes photographes du XXe siècle,

Vivian Maier est morte en 2009 dans l’anonymat. Pourtant, depuis deux ans, elle passionne le monde de la photographie et on la compare aux plus grands.



Artiste inconnue de son vivant, elle laisse une oeuvre atypique composée de plus de 100 000
négatifs et pellicules non développées. Vivian Maier photographia inlassablement les rues de
New-York et Chicago des années 50-60, portant un regard aiguisé sur l'humain dans la ville
dans des images noir et blanc aux cadrages précis et d'une personnalité saisissante.
De nombreux autoportraits attisent le mystère d'une femme qui consacra sa vie à la
photographie. Elle ne montra ses photographies à personne, même à ses plus proches amis. Sa
récente découverte par John Maloof à l'occasion d'une vente aux enchères en 2007 à Chicago
révèle un des talents les plus brillants de la street-photography américaine. La galerie présente
une sélection de tirages issus de la collection John Maloof en collaboration avec la galerie
Howard Greenberg, New-York.



Pour le portrait des classes pauvres, des marginaux, des laissés pour compte de l’Amérique des années 1950 à 1970.
Ses images d’enfants saisis en plein jeu dans les rues de la ville rappellent celles
de sa contemporaine Helen Levitt (1913-2009), figure majeure de la « street photography », versant américain de la photographie humaniste française menée par Willy Ronis ou Robert Doisneau, avec la nostalgie en moins.elle est pleine de tendresse envers les afro_américains, mais aussi implacable avec les riches que le sera Diane Arbus (1923-1971) lorsqu’il s’agit de leur tirer le portrait.




Vivian Maier (French/American, 1926-2009) thrilled the world when her photographs and life story went viral after being posted online. Born in New York City, she spent her childhood in France and returned to New York in the late 1930s. She later moved to Chicago, where she worked as a nanny for about forty years supporting herself and her passion for photography. Maier created more than 100,000 negatives, but showed few images to anyone. Her body of work remained unknown until being discovered in 2007. Following Maier’s death, champions of her photography have been managing her archives and organizing exhibitions and events across the United States and around the world.
© Vivian Maier Prints Inc.
© Copyright 2013.
Jeffrey Goldstein Collection. All Rights Reserved. Terms of Use - Privacy Policy



Vivian Maier
The Story


vivian-maier-maxwell-street-1The Story

For a number of years, I have frequented a flea market on Chicago’s West Side. In the spring of 2010, stories about a recently discovered amateur photographer named Vivian Maier surfaced and filtered through the market crowd. It was here that I first learned about Vivian Maier and her remarkable photographs. I eventually heard a story from one of the original buyers that when Vivian Maier’s collection had come up at a local auction, it had been acquired and dispersed among a few individual bidders. Shortly thereafter an opportunity arose, and I acquired 57 photographs from one of the original buyers. Flea market rumors indicated that someone with a significantly larger portion of Vivian Maier’s work had disappeared from Chicago along with his part of the Vivian Maier collection. Mystery and intrigue soon followed.

Later spring 2010, I was notified that this mysterious buyer had reappeared. A meeting was arranged, and I acquired his portion of the Vivian Maier collection. The Jeffrey Goldstein collection (Vivian Maier Prints Inc.) has grown to include 19,000 negatives, 1,000 prints, 30 homemade movies, and numerous slides. They document Vivian Maier’s European years prior to her early 1950s stay in New York continuing through her Chicago years from 1955 into the early 1970s.

Distinctly solitary and driven by private motivations, Vivian Maier was a natural-born photographer who captured extraordinary images of her subjects and, in doing so, revealed the essence of Americana. Vivian Maier was childless herself but worked for many years as a nanny (seemingly a guise affording her the basics: food, clothing, shelter and TIME in order for her to pursue photography), a profession that allowed her to document the complex beauty of domesticity. Her photographs demonstrate an intimate exploration of family life, as well as her seemingly allegorical views of “home”—a space sometimes idyllic and whole, and sometimes troubled—as in her photographs of homes destroyed by tornadoes or street riots.

The present collection bears witness to her sophisticated and expansive approach to locations and subject matter. Both intimate and grand, her photographs include poignant self-portraits in an expressive array of street subjects, ranging from unknown people to the renowned likes of Salvador Dali and Richard Nixon. Vivian Maier photographed the exhilaration of life’s celebrations, found in parades and parties. In addition she captured moments of conflict, social inequality, and turmoil. Her curiosity and picture snapping extended far beyond her travels in Europe and the United States. A lone explorer, Vivian Maier photo-documented her travels through Africa, Asia, and South America creating a visual diary of her curious observations.

Looking through the richly varied subject matter of her work affords us an intimate view of Vivian Maier, the obscure, the self-assured, and the photographer extraordinaire.  - Jeffrey Goldstein
© Vivian Maier Prints Inc.
© Copyright 2013.
Jeffrey Goldstein Collection. All Rights Reserved. Terms of Use - Privacy Policy



































































































Vivian Maier
Exhibitions


vivian-maier-opening-jackson-fine-art-atlanta-2012Current & Upcoming Exhibitions
Galerie Frederic Moisan – Paris, France
November 6, 2013
Previous Exhibitions
Union League Club – Chicago, IL
October 3 - October 3, 2013
Open Shutter Gallery – Durango, CO
August 23 - October 3, 2013
Stephen Bulger Gallery – Toronto, ON
July 27 - September 14, 2013
Kunst.Licht Photo Art Gallery – Shanghai, China
June 22 - August 11, 2013
Russell Bowman Art Advisory – Chicago, IL
June 21 - August 17, 2013
Florida Museum of Photographic Arts – Tampa, FL
April 4 - June 16, 2013
Lois Lambert Gallery – Santa Monica, CA
March 16 - May 12, 2013
Blue Sky Gallery – Portland, OR
February 7 - March 3, 2013
Photo Center Northwest – Seattle, WA
February 1 - March 28, 2013
Thomas Masters Gallery – Chicago, IL
September 7 - October 19, 2012




























A travers la presse



Culturebox



Vivian Maier est morte en 2009 dans l’anonymat. Pourtant, depuis deux ans, elle passionne le monde de la photographie et on la compare aux plus grands. La nounou au Rolleiflex a laissé 120.000 photos découvertes par hasard. On peut en voir pour la première fois une sélection importante en France, à Tours, dans une exposition produite par le Jeu de Paume. Et aussi dans deux galeries parisiennes
Par Valérie Oddos

Journaliste, responsable de la rubrique Expositions de Culturebox



    EXPOSITIONS
    Photo

L’histoire de cette révélation posthume est à peine croyable. En 2007, John Maloof, un agent immobilier de 25 ans qui cherche des documents sur un quartier de Chicago, achète pour 400 dollars un lot dans une vente aux enchères, qui comprend des tirages photo et des films, dont certains n’ont jamais été développés. Une demi-douzaine de personnes en tout acquièrent des œuvres de Vivian Maier aux enchères.

Quand John Maloof se rend compte de la qualité de ce qu’il a entre les mains, il rachète tous les négatifs de Maier qu’il peut trouver. Il en possède aujourd’hui environ 90%.

Il ignore alors tout de l’identité de leur auteur. Elle est encore vivante mais quasi SDF. Son loyer est pris en charge par d’anciens employeurs et, depuis plusieurs mois, elle n’a pas payé le garde-meuble où elle conserve toutes ses affaires, qui ont donc été liquidées. C’est seulement à sa mort, en 2009, que Vivian Maier est identifiée.




Une solitaire qui arpente les rues
Peu à peu, l’histoire de cette femme qui a mené une existence secrète et solitaire, est reconstituée, grâce à des témoignages de gens qui l’ont connue.

Vivian Maier est née en 1926 à New York d’une mère française et d’un père d’origine austro-hongroise qui disparaît rapidement de leur vie. Elle retourne avec sa mère à Saint-Bonnet-en-Champsaur (Hautes-Alpes) dont celle-ci est originaire et y passe une partie de son enfance avant de retourner à New York.

La vocation photographique de Vivian Maier lui est-elle venue de Jeanne Bertrand, une portraitiste reconnue dont elle a partagé l’appartement avec sa mère ? On l’ignore mais la jeune femme se met à passer son temps libre dans les rues de New York avec un appareil photo. Elle photographie les pauvres et les exclus, les enfants, généralement avec leur assentiment bienveillant. Dans ses portraits de dames en fourrure, volés, on sent au contraire l’agacement du sujet surpris.




Vivian Maier n’a jamais montré ses photos
Si la quantité et la qualité de sa production est de l’ordre de celle d’un professionnel, Vivian Maier n’a pourtant jamais montré ses photos à personne. Elle n’a pas exposé ni publié. Elle gagne sa vie comme gouvernante d’enfants, d’abord à New York puis à Chicago à partir de 1956. C’est une partie du mystère Vivian Maier : pourquoi n’a-t-elle pas cherché à faire connaître son travail, alors qu’elle devait être consciente de sa valeur ?

La qualité de son travail n'est pas le fruit du néant. Elle connaissait les photographes de son époque, comme l’attestent les livres qu’on a retrouvés dans ses affaires. On pense aussi qu’elle les a vus au MoMA de New York.

Vivian Maier était "quelqu’un destiné à l’invisibilité, à l’anonymat et n’avait pas vocation à en sortir", estime Anne Morin, la commissaire de l’exposition du château de Tours, qui la situe au niveau de grandes figures de la photo comme Helen Levitt ou Robert Franck.




Des autoportraits qui emmènent hors d’elle-même
L’exposition de Tours, produite "hors les murs" par le Jeu de Paume, commence avec ses photos de 1951-52, à New York. C’est à cette époque qu’elle achète un Rolleiflex et que la qualité technique de ses images s’améliore. En effet, toute sa vie, Vivian Maier a eu une "espèce de détachement de la technique", note Anne Morin. Un détachement qui lui donne une liberté, mais beaucoup de photos sont mal exposées, notamment les diapositives qui sont souvent inexploitables.

La première salle est consacrée aux enfants, car elle a passé toute sa vie avec des enfants. Ceux qui ont témoigné décrivent une femme cultivée, ouverte et généreuse mais peu chaleureuse. Elle les montre en train de rire, de pleurer, de jouer, de grimper sur un grand carton. Elle fait un gros plan sur les jambes. Projection de la photographe ? Une femme imposante qui pourrait être une nounou, de dos, est encadrée par deux petits au bord d’un trottoir.

Vivian Maier se prend aussi en photo avec des enfants, car les autoportraits sont une part importante de son travail, et ils scandent l’exposition, "clin d’œil" aux visiteurs, selon Marta Gili, la directrice du Jeu de Paume.

"Troublants et mystérieux", les autoportraits de Vivian Maier sont "très intéressants", pour Anne Morin, qui pense que "c’est là qu’elle atteint la maturité". "Echappant au piège du vis-à-vis, elle nous emmène hors d’elle-même", estime la commissaire.




Des portraits qui occupent toute l’image
La photographe capte son ombre sur le monde, mais, plus intéressant, son reflet dans les vitres et les miroirs, parfois dans un jeu infini, qui nous montre un visage austère, sévère même. Le plus saisissant est peut-être cet autoportrait dans un miroir porté par un homme dans la rue, qui la fond complètement dans la ville.

Ses portraits de déshérités, gueules burinées, jeune noire élégante au regard complice, petite fille douloureuse portant une grosse montre, sont pris de très près, avec leur bénédiction, apparemment. "Je pense qu’il y avait une projection d’elle-même sur ces personnages", dit Anne Morin, soulignant la solitude du la photographe, qui "vivait à l’intérieur d’elle-même" et à qui on ne connaît pas de relations en dehors de ses employeurs et de leurs enfants.

Elle sait repérer les postures du corps dans ce qu’elles ont de touchant ou de ridicule, un SDF qui dort recroquevillé par terre, un homme allongé tout habillé sur la plage, la tête posée sur son chapeau et une jambe repliée sur l’autre, un enfant à genoux, les jambes écartées au bord de l’eau. Elle fractionne les corps, isolant les jambes ou les fesses, les vise de dos.



Dans les années 1970, Maier joue avec la couleur
Vivian Maier a aussi fait des images plus formelles où la figure humaine disparaît, le mur d’une maison en démolition, une montagne de cageots…

Dans les années 1970, elle se met à la couleur, au Leica, jouant avec les vêtements jaunes de plusieurs personnages, le vert de la robe d’une enfant qui dialogue avec celui du ballon qu’elle tient, des légumes et des barquettes du rayon de supermarché dans lequel elle se trouve. Elle tourne aussi des films en super 8 dont quelques-uns peuvent être vus à Tours.

Entre 1956 et 1972, quand elle travaille dans la famille Gensburg, celle avec qui elle a eu le plus de liens et dont les trois fils l’aideront à survivre à la fin de sa vie, Vivian Maier dispose d’un local où elle développe et tire ses photos. Ses tirages ne sont pas de très bonne qualité, aussi toutes les photos qui sont montrées aujourd’hui sont des retirages récents.

De nombreux films n’ont pas été développés
Elle a laissé environ 6000 pellicules non développées. Des images qu’elle n’a donc jamais vues elle-même. Elle n’avait plus les moyens de les porter dans des studios. Mais, au-delà, Anne Morin pense qu’elle avait "une obsession pour le geste plus que pour l’image", accumulant les gestes comme elle avait accumulé toute sa vie les coupures de journaux, les factures des studios ou les livres.

Ces œuvres, notamment la couleur, sont en cours de développement, un processus compliqué et coûteux qui demande une chimie particulière.

L’oeuvre de Vivian Maier pose de nombreuses questions. Notamment, souligne Marta Gili, celle de savoir "ce qui fait qu’un groupe de photos devient une œuvre. Qu’est-ce qu’une œuvre ?".

Le début d’une histoire
Et comment cette œuvre est-elle "construite" a posteriori, s’interroge le photographe américain Joel Meyerowitz dans le documentaire de la BBC consacré à Vivian Maier ("Who Took Nanny’s Pictures ? ", projeté dans le cadre de l’exposition de Tours). On ignore ce que l’auteur aurait choisi de montrer, comment elle l’aurait tiré et recadré.

L’histoire de Vivian Maier commence tout juste, même si ses images ont envahi le web, si les expositions se multiplient et si deux films ont déjà été réalisés sur l’œuvre du mystérieux personnage. En effet, après celui de la BBC, un autre, produit par John Maloof, "Finding Vivian Maier", doit sortir en juin sur les écrans français. Il y raconte sa découverte et fait parler ceux qui ont connu la photographe, principalement ses anciens employeurs et leurs enfants.






Le mystère Maier

Enquête | La découverte d'un chineur a sorti de l'anonymat cette photographe de génie. Mais la vie de l'Américaine Vivian Maier (1926-2009) reste en grande partie une énigme.

Le 30/04/2011 à 00h00
Lila Rabattie - Télérama n° 3198


Chicago, fin 2007. La crise économique bat son plein. Et certains agents immobiliers cherchent à se reconvertir. Tel John Maloof, 25 ans. Il songe à écrire un livre sur le quartier de Portage Park. Pour illustrer l'ouvrage à moindres frais, il chine, court les ventes en quête de photos d'époque. Et finit par mettre une enchère de 400 dollars sur un énorme lot. Adjugé !

Il y a là trente mille négatifs, des rouleaux de pellicule par dizaines, à peine quelques tirages réalisés dans les années 1950-1960. Mais pas une seule photo de Portage Park. Les images, en noir et blanc, retiennent pourtant son attention. Parce qu'elles sont belles, inhabituelles, composées à la perfection. Il y a, par exemple, ces portraits d'enfants noirs et blancs jouant ensemble alors que les temps étaient plutôt à la ségrégation. Des pauvres et des mar­ginaux photographiés tels les empereurs célestes de l'Amérique. Là, c'est un Afro-Américain, comme sorti d'un songe, déambulant à cheval en pleine ville, sous un pont. Ailleurs, ce sont de vieilles rombières emperlousées étranglées par leur renard au sourire carnassier. Et puis il y a Chicago, ville à l'architecture conquérante et rationnelle, s'étalant à l'infini sur les négatifs. John Maloof ne connaît rien à la photographie. Mais il comprend d'emblée qu'il tient là quelque chose d'important. Des images dont il faut percer le mystère.



Pas facile. Il met presque un an à trouver, au détour d'une enveloppe abandonnée dans l'un des cartons, le nom de leur auteur : Vivian Maier. De quoi permettre à l'apprenti détective de reconstituer le puzzle d'une existence.

C'est à New York que Vivian Maier a vu le jour, le 1er février 1926, d'un père autrichien et d'une mère française. L'enfant et sa mère restent aux Etats-Unis jusqu'au début des années 1930. On perd ensuite leur trace pour les retrouver le 1er août 1938 à bord du Normandie, qui s'apprête à relier Le Havre à New York. Et puis plus rien, jusqu'en 1951, date à laquelle Vivian revient à Manhattan après deux ans et demi passés en France. Avant de s'installer en 1956 à Chicago, où elle commence une longue carrière... de bonne d'enfants.

Maloof va retrouver des enfants qu'elle a gardés. Certains la comparent à Mary Poppins, se souviennent d'une originale fagotée comme un homme, soucieuse de les éveiller au monde. Au programme : visite des abattoirs, du cimetière local, films d'art et d'essai... D'autres, en revanche, se remémorent une femme aux opinions tranchées, féministe, revendiquant crânement son célibat, d'origine catholique mais probablement athée, socialiste déclarée alors que la chasse aux sorcières fait rage, misanthrope dans l'âme, au contact aussi rugueux que son accent français. Un appareil photo (Rolleiflex) toujours pendu à son cou. Car Vivian Maier passe ses jours de congé à photographier Chicago. Seule. Ceux qui l'ont croisée ne lui connaissent aucun ami. Aucune famille.

Autodidacte, elle apprend en s'exerçant, sans l'aide de personne. Elle ne prend même pas la peine de développer ses photos, les montre encore moins, ne les vend jamais. Elle produit pourtant de purs chefs-d'oeuvre, dans lesquels elle assimile toute l'histoire de la photographie de ces années-là.



Ses images d'enfants saisis en plein jeu dans les rues de la ville rappellent en effet celles de sa contemporaine Helen Levitt (1913-2009), figure majeure de la « street photography », versant américain de la photographie humaniste française emmenée par Willy Ronis ou Robert Doisneau, la nostalgie en moins. Elle est pleine de tendresse envers les Afro-Américains, mais aussi implacable avec les riches que le sera Diane Arbus (1923-1971) lorsqu'il s'agit de leur tirer le portrait. On pense également à Weegee (1899-1968), qui arrivait avant tout le monde sur les scènes de crime de Manhattan, lorsqu'elle immortalise un ivrogne encadré par des policiers. Et à Robert Frank - le premier à oser des cadrages inattendus ou des images floues en 1958, dans son livre Les Américains - pour cette émouvante photo « bougée » d'une femme en robe blanche, titubant vers son destin. Ses photos de pieds de passants, cueillies au ras du trottoir, ou ses jeux de reflets dans les vitrines renvoient enfin au travail de Lisette Model (1901-1983), dont Diane Arbus fut l'élève.



Mais Vivian Maier ne copie pas ses pairs, dont elle achète pourtant régulièrement les livres. Plus que ces derniers, elle magnifie les laissés-pour-compte, les marginaux, SDF, miséreux noirs ou blancs auxquels on sent qu'elle s'identifie. Son style fait le lien entre la photographie humaniste française et la photographie américaine des années 1955-1960, qui préfère montrer les êtres avec leurs failles et leurs faiblesses plutôt que de les idéaliser. Elle embrasse tous les sujets, tous les genres : natures mortes, paysages, portraits, ­autoportraits, dans lesquels elle se dévoile à peine, corps androgyne, ­visage chapeauté, refusant toute forme de séduction.

Que faire de tout ce corpus ?, se demande John Maloof. Il tente de retrouver Vivian Maier par le biais de la maison de ventes aux enchères qui lui a cédé son lot de négatifs. On lui dit qu'elle est malade, pas en mesure de répondre. Et lorsqu'il se décide enfin à taper son nom sur Google, en 2009, c'est pour apprendre qu'elle est morte deux jours plus tôt. Alors il poste quelques images sur un blog consacré à la « street photography », En quelques jours, il reçoit plusieurs centaines de mails, des demandes d'interviews, d'expositions dans le monde entier. -

Depuis, Maloof a fait de la reconnaissance de l'oeuvre de Vivian Maier un travail à plein-temps, même s'il continue d'être brocanteur sur eBay « pour payer les factures ». Il a réussi à récupérer des effets personnels de la photographe, des appareils, des enregistrements, des films, ses livres de photo et des tirages (un marchand du nom de Jeff Goldstein possède lui aussi douze mille négatifs et sept cents tirages, dont certains sont en ce moment exposés et mis en vente à Chicago). Il s'est acheté du matériel pour numériser ces clichés (cent mille au total), a embauché trois généalogistes pour reconstituer l'histoire de la famille Maier. Mais il ne livre pas toutes ses informations, préférant les réserver pour un ouvrage et un documentaire à venir. « C'est à la fois une bénédiction et une malédiction, cette histoire : elle me prend tout mon temps et tout mon argent ! Mais je me dois de faire connaître le travail de Vivian. Même si, pour l'instant, ça me coûte plus que ça ne me rapporte. »

Voilà pour la légende, savamment distillée par Maloof. Elle a passionné la presse américaine et la blogo­sphère. Il suffit de taper le nom de la photographe sur un moteur de recherche pour voir s'afficher un million cent mille entrées ! Mais l'histoire telle qu'elle est racontée dans les médias et sur le Web pose encore question aux fans. Ils veulent en savoir plus, reprennent l'enquête...






Depuis vingt-cinq ans directrice photo de grands magazines et quotidiens français tel Libération, Sylvie Bouvier a ainsi réalisé un important travail de recherche. « J'ai été fascinée par la solitude qui transperçait de la vie de Vivian. J'ai voulu comprendre. » Elle ne croit pas à une Vivian Maier photographe amateur naïve, inconsciente de la valeur de son travail. De documents en documents glanés sur le Net, de fiches de recensement en listes de passagers naviguant entre la France et les Etats-Unis, elle a trouvé dans le sillage de cette dernière la trace de Jeanne Bertrand, une photographe française. On apprend, par exemple, qu'en 1930 celle-ci partageait l'appartement des Maier mère et fille. Elle est à nouveau à leurs côtés à bord du Normandie, en 1938.

Née vers 1880, originaire comme la mère de Vivian de la région de Saint-Julien-en-Champsaur, dans les Hautes-Alpes, Jeanne Bertrand a émigré avec ses parents dans le Connecticut. D'abord ouvrière en usine, elle parvient à force de persuasion à se faire embaucher comme assistante par un photographe local. Mais très tôt l'élève dépasse le maître. Le studio où elle travaille ne désemplit pas. On y vient pour elle, femme ambitieuse, libre et indépendante, comme le raconte un article du Boston Globe daté du 23 août 1902. On ne sait pas encore comment la mère de Vivian Maier et Jeanne Bertrand se sont rencontrées. Mais une chose est sûre : Vivian a grandi avec l'exemple d'une photographe vivant de son art sous les yeux. « On peut supposer que Jeanne Bertrand a initié Vivian à la photo, confirme John Maloof. Mais nous n'en avons pour l'instant aucune preuve formelle. »

De là, Sylvie Bouvier s'est posé une autre question. Vivian Maier avait pour la photographie une véritable obsession. Comment expliquer que dans une ville comme Chicago, siège de l'Institute of Design, école dont le département photo a été fondé par le maître du Bauhaus, László Moholy-Nagy (1895-1946), puis animé par de grands photographes comme Harry Callahan (1912-1999), elle se soit contentée de jouer les bonnes d'enfants ? Alors même que la presse illustrée était en plein boom. « C'est à croire que Vivian se cachait, refusant d'apparaître », souffle Sylvie Bouvier. Pourquoi ? Encore un mystère à élucider.

Reste à savoir aussi ce que va ­devenir son oeuvre. « Je n'en ai encore aucune idée, avoue Maloof. J'ai contacté les musées, mais ils ne sont pas intéressés, car Vivian a très peu développé ses photos, et ses tirages ne sont pas de bonne qualité. Sur les trois mille que je possède, seuls deux cents sont valables. » D'autant que le travail d'un photographe, comme le soulignent les directeurs d'institutions muséales et les professionnels, se reconnaît à la sélection de tirages opérée par ses soins. Or, seules les images de Vivian Maier choisies et développées par John Maloof constituent aujourd'hui son oeuvre ; ce qui brouille la carte d'identité visuelle de la photographe. Un problème de plus à résoudre...


Enfin, un descendant pourrait surgir. Le recensement de 1930 indique que le père de Vivian Maier, divorcé de sa mère, logeait à proximité, chez ses parents, avec un enfant de 10 ans décrit comme le petit-fils des propriétaires. S'agissait-il du cousin de Vivian ou de son frère ? Et dans ce dernier cas, pourquoi n'était-il pas resté avec la mère ? « Après tout ce que j'ai investi, je préfère ne pas penser à l'éventualité d'un héritier », confie avec inquiétude Maloof. Affaire à suivre...

A voir

Le site de John Maloof.
Le site de Jeffrey Goldstein.














Vivian Maier (1926-2009), une photographe révélée


Véritable autodidacte, Vivian Maier (1926-2009) a cultivé un sens aigu de l'observation et de la composition. Née à New-York, elle a passé une bonne partie de son enfance en France avant d'y revenir en 1951, et de réaliser ses premières photographies. En 1956, elle s'installe à Chicago où elle demeure jusqu'à sa mort en 2009, avant que son œuvre commence à être exposée.

Le talent de Vivian Maier est à rapprocher des figures majeures de la Street Photography américaine telles que Lisette Model, Helen Levitt ou encore Diane Arbus et Garry Winogrand. L’exposition présentée au Château de Tours par le Jeu de Paume, en collaboration avec la Ville de Tours et Dichroma, est la plus importante consacrée à Vivian Maier en France. Elle regroupe 120 épreuves argentiques noir et blanc et couleur tirées à partir des diapositives et négatifs originaux ainsi que des extraits de films super 8 que Maier réalisa dans les années 1960 et 1970. Ce projet, conçu à partir de la collection réunie par John Maloof avec l'aide de la galerie Howard Greenberg de New York, est une première approche de l'œuvre, révélant un regard, une poésie et un humanisme hors du commun.

Les étonnantes photographies de Vivian Maier ont été découvertes par hasard par John Maloof, en 2007, dans une salle des ventes de Chicago. À la recherche d’une documentation historique sur un quartier de cette ville, ce jeune collectionneur fit alors l’acquisition d’un lot considérable d’épreuves, de négatifs et de diapositives (dont une grande partie non développée) ainsi que des films super 8 d’un auteur inconnu et énigmatique. Personnalité discrète et solitaire, Vivian Maier a, en effet, réalisé plus de 120 000 prises de vues et produit en trente ans une œuvre conséquente qu’elle n’a montrée à personne, ou presque, de son vivant.

Pour gagner sa vie, Vivian Maier fut gouvernante pour enfants. Un appareil autour du cou (d’abord un appareil type box, puis un Rolleiflex et un Leica), elle consacra ses loisirs et ses moments de repos à arpenter et à photographier les rues de New York puis de Chicago. Les témoignages des enfants dont elle s’est occupée la décrivent comme une femme cultivée, ouverte d’esprit, généreuse mais peu chaleureuse. Ses images, quant à elles, montrent une réelle curiosité aux choses du quotidien et une profonde attention aux passants qui croisèrent son regard : les physionomies, les attitudes, les tenues et les accessoires à la mode pour les plus aisés, ou encore les signes de pauvreté pour les plus démunis.

Si certains clichés ont été pris à la sauvette, d’autres rendent compte d’une véritable rencontre avec les individus qu’elle a photographiés frontalement et à faible distance. C’est d’ailleurs avec une évidente empathie qu’elle s’est s’intéressée aux sans-abri et aux marginaux, signant ainsi de troublants portraits dans une Amérique pourtant en plein essor économique.

Vivian Maier meurt dans l’anonymat, en avril 2009, après avoir été recueillie et hébergée par la famille Gensburg pour laquelle elle avait travaillé pendant près de 17 ans. Une grande partie de ses biens ainsi que l’intégralité de sa production photographique avait auparavant été déposés en garde-meuble puis saisis et vendus, en 2007, pour honorer des impayés. Sa biographie est à présent partiellement reconstituée grâce aux recherches et aux interviews menées après la mort de la photographe par John Maloof et par Jeffrey Goldstein, autre collectionneur qui fit l’acquisition d’une part importante de son œuvre. Les sources administratives indiquant ses origines austro-hongroise et française, ses différents voyages en Europe, en France (principalement dans la vallée du Champsaur dans les Hautes-Alpes où elle passa une partie de son enfance) mais aussi en Asie et aux États-Unis ont clairement été identifiés et répertoriés. Mais les circonstances qui l’ont menée à la photographie et son parcours d’artiste restent encore aujourd’hui à découvrir.

Plus qu’une passion, la photographie apparait chez elle comme une nécessité voire une véritable obsession : se sont accumulés dans les cartons qu’elle emportait à chaque changement d’employeur, à chaque déménagement, l’impressionnante quantité de films qu’elle n’a pas développés, faute d’argent, ainsi que des archives composées de livres ou de coupures de presse relatant des faits divers.
Vivian Maier fut une photographe autodidacte qui a cultivé un sens aigu de l’observation et de la composition pointant son objectif vers des détails anodins trouvés lors de ses promenades, décrivant l’étrangeté des gestes et la distribution graphique des corps dans l’espace. Elle a également exécuté une série d’autoportraits saisissants, reflets d’elle-même mis en scène par l’intermédiaire de miroirs ou de vitrines de magasins.


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