ROBERT ADAMS
LA PHOTOGRAPHIE de A à Z, LES GRANDS PHOTOGRAPHES
Robert Adams
L'endroit où nous vivons
du 11 février au 18 mai 2014
1 place de la Concorde
75008 Paris
Mardi de 11h à 21h.
Du mercredi au dimanche
de 11h à 19h.
Fermeture le lundi,
y compris les jours fériés.
« J’ai commencé à prendre des photos par envie d’immortaliser des motifs d’espoir […] Mais chemin faisant, mon objectif a aussi enregistré des motifs de désespoirs » […] eux aussi devaient avoir leur place dans mes images si je voulais que celles-ci soient sincères et donc utiles. » Robert Adams.
Robert Adams
L'endroit où nous vivons
du 11 février au 18 mai 2014
Né à Orange (New Jersey) en 1937, Robert Adams grandit dans le Wisconsin, puis dans le Colorado où il réside plus de trois décennies avant de s’installer en Oregon. Depuis ses débuts en photographie, au milieu des années 1960, Adams est considéré par beaucoup comme l’un des chroniqueurs les plus importants et les plus influents de l’Ouest américain.
L’exposition "Robert Adams : l’endroit où nous vivons" reflète l’intérêt ancien d’Adams pour la relation tragique entre l’homme et la nature ainsi que sa quête d’une lumière et d’une beauté rédemptrices au sein de paysages dégradés. Ses images se distinguent par leur économie et leur lucidité, mais aussi par un mélange de déploration et d’espoir. Avec plus de deux cent cinquante tirages choisis parmi vingt et une séries distinctes, cette rétrospective réunit pour la première fois les diverses facettes d’un corpus considérable. Composée et articulée en concertation avec le photographe lui-même, cette exposition offre un récit intime et cohérent de l’évolution de l’Ouest des États-Unis à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècles, mais aussi un regard stimulant sur la complexité et les contradictions de notre société contemporaine mondialisée.
Dans son travail, Robert Adams montre la façon dont les paysages grandioses de l’Ouest américain, déjà arpentés au XIXe siècle par des photographes comme Timothy O’Sullivan ou William Henry Jackson, ont été transformés par l’activité humaine. Adams a tenté d’offrir une apparente neutralité d’approche. Même les titres de ses images les apparentent au registre documentaire. Il est surtout connu pour ses photographies austères et nuancées de l’aménagement suburbain dans le Colorado de la fin des années 1960 et du début des années 1970, images remarquées pour la première fois grâce à un livre fondateur, The New West (1974). En 1975, Adams figurait dans une exposition qui fit date, "New Topographics".
Chacun des projets majeurs du photographe est représenté dans l’exposition, depuis ses premières images montrant les sobres constructions et monuments érigés par les anciens occupants de son Colorado natal jusqu’aux toutes dernières vues de forêts et d’oiseaux migrateurs prises dans le Nord-Ouest Pacifique. Parmi ses autres projets d’envergure présents, on trouve : From the Missouri West, vues lointaines sur des paysages majestueux témoignant de l’intervention humaine ; Our Lives and Our Children, portraits dune tendresse désarmante de gens ordinaires vaquant à leur quotidien à l’ombre d’une centrale nucléaire ; Los Angeles Spring, images d’un paradis jadis verdoyant, victime de la violence et de la pollution ; Listening to the River, vues lyriques et fragmentaires de localités rurales ou suburbaines du Colorado qui évoquent les plaisirs sensoriels de la marche à pied ; et West from thé Columbia et Turning Back, deux séries consacrées aux vestiges du patrimoine naturel du Nord-Ouest Pacifique où Adams réside désormais.
À travers son travail, Adams se livre à un plaidoyer saisissant en faveur d’une approche humaniste de la photographie tout en exhortant ses concitoyens à ouvrir les yeux sur les dégâts infligés à notre habitat collectif. Souvent sous-estimées, ces images remarquables ne tombent pourtant jamais dans la simplification de leurs sujets. Banales ou éclatantes, elles font une juste part à la complexité et aux contradictions de la vie moderne. Prises comme un tout, les photographies de cette exposition mettent en lumière les intentions du photographe : donner à voir la richesse esthétique de notre environnement naturel et nous rappeler à notre obligation citoyenne de le protéger, non seulement dans l’Ouest américain, mais aussi dans le monde entier.
De petit format (beaucoup n’excèdent pas 15 x 15 cm), les tirages précis que Robert Adams réalise lui-même méritent un examen attentif, voire une immersion intime et contemplative. Les visiteurs seront guidés à travers l’exposition par de courts textes puisés parmi les écrits du photographe. L’influence de l’œuvre d’Adams s’est surtout exercée à travers ses publications, qui comptent plus de quarante monographies et constituent un outil indispensable de sa pratique créatrice. Une sélection de ces ouvrages sera présentée durant l’exposition et pourra être consultée sur des tables de lecture, occasion idéale pour le visiteur de comprendre l’usage magistral qu’Adams fait du livre de photographie comme support poétique à part entière.
Exposition produite par la Yale University Art Gallery, en partenariat avec le Jeu de Paume pour sa présentation à Paris.
Commissaires : Joshua Chuang, conservateur associé pour la photographie et les médias numériques, Yale University Art Gallery et Jock Reynolds, directeur Henry J. Heinz II, Yale University Art Gallery.
L’exposition a été rendue possible grâce aux anciens étudiants et amis de Yale : Helen D. Buchanan ; Allan K. Chasanoff ; The Reed Foundation ; Nathaniel W. Gibbons ; Betsy et Frank Karel ; Saundra B. Lane ; Melanie et Rick Mayer et le MFUNd ; Mark McCain et Caro MacDonald/Eye and I ; M. et Mme Alexander K. McLanahan ; Mme Eliot Nolen et M. Timothy P. Bradley ; Risher Randall, Sr. ; la Shamos Family Foundation ; Mary Jo et Ted P. Shen ; Jane P. Watkins ; le Janet and Simeon Braguin Fund ; et une dotation provenant d’une subvention du National Endowment for the Arts. L’acquisition des master prints de Robert Adams par la Yale University Art Gallery a été rendue possible grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et le Janet and Simeon Braguin Fund.
En partenariat avec A Nous, L'Architecture d'Aujourd'hui, Time Out Paris, LCI et Fip.
à travers la presse
Robert Adams au Jeu de Paume : splendeur et misère de l’Ouest américain
Publié le 11/02/2014 à 15H11, mis à jour le 16/02/2014 à 11H33
Robert Adams, à gauche Colorado Springs, Colorado, 1968 - A droite, Longmont, Colorado, 1979, Yale University Art Gallery
Robert Adams, à gauche Colorado Springs, Colorado, 1968 - A droite, Longmont, Colorado, 1979, Yale University Art Gallery
© Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Le Jeu de Paume à Paris présente une rétrospective rare du travail de Robert Adams, un des grands maîtres du paysage américain en noir et blanc, qui pendant quarante-cinq ans a photographié inlassablement la nature autour de chez lui, dans l’Ouest. Il en célèbre la beauté tout en alertant sur les ravages que l’homme lui cause souvent (du 11 février au 18 mai 2014).
Par Valérie Oddos
Journaliste, responsable de la rubrique Expositions de Culturebox
EXPOSITIONS
Photo
"Comme beaucoup de photographes, j’ai commencé à prendre des photos par envie d’immortaliser des motifs d’espoir : le mystère et la beauté ineffables du monde. Mais, chemin faisant, mon objectif a aussi enregistré des motifs de désespoir et je me suis finalement dit qu’eux aussi devaient avoir leur place dans mes images si je voulais que celles-ci soient sincères et donc utiles", écrit Robert Adams dans la présentation de l’exposition.
Robert Adams Edge of San Timoteo Canyon, Redlands, California, 1978, Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund.
Robert Adams Edge of San Timoteo Canyon, Redlands, California, 1978, Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
40 livres en 45 ans de travail
"Cette rétrospective de 45 ans de travail est la première exposition d’envergure que Robert Adams a supervisée lui-même", explique Joshua Chuang, commissaire de l’exposition. "Car il a plutôt fait connaitre son travail par les livres." Le photographe, né en 1937, en a publié plus de 40, présentés sous des vitrines tout le long de l’exposition, qui présente ses travaux de façon à peu près chronologique.
Robert Adams est très exigeant sur les tirages, qu’il fait lui-même. "Les tirages de l’exposition sont ceux qu’il a conservés pendant des années, ce sont des tirages assez rares", fait remarquer Joshua Chuang. Certains sont ceux qu’il a utilisés pour l’édition de ses livres. Ils sont de petit format, il faut les regarder de près pour apprécier la richesse de détail.
Robert Adams, Quarried Mesa Top, Pueblo County, Colorado, 1978, Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund.
Robert Adams, Quarried Mesa Top, Pueblo County, Colorado, 1978, Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Le photographe des endroits où il a vécu
"Robert Adams est considéré comme un photographe majeur du changement du paysage américain", souligne le commissaire. Et pourtant il ne cherche pas du tout à être exhaustif. Il s’est limité aux endroits où il a vécu, comme le Colorado, où il est arrivé à 15 ans et où il est resté plus de quarante ans. Puis l’Oregon, où il s’est installé en 1997. Et aussi la Californie. D’où le titre de l’exposition, "L’endroit où nous vivons".
Dans son travail, le photographe capte à la fois la splendeur de la nature et le désastre qu’on lui fait subir, "ce qu’on devrait changer et ce qu’on doit chérir et célébrer. Généralement, on trouve ces deux choses contradictoires dans chacune de ses images ", explique Joshua Chuang. L’artiste veut créer "une tension si parfaite qu’elle instaure une paix", selon les propres mots de l’artiste.
Robert Adams, Interstate 25, Eden, Colorado, 1968 Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund.
Robert Adams, Interstate 25, Eden, Colorado, 1968 Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Eden, Colorado, loin du paradis
Le Jeu de Paume, septième étape de l’exposition, présente près de 270 photos, depuis les premiers paysages de la fin des années 1960, les petits villages hispaniques aux murs blancs ou les grandes plaines où une fille qui s’offre au vent, les bras ouverts, donne une idée de la beauté concrète pour ne pas dire sensuelle de cet environnement. A côté, Eden, un trou perdu au fond du Colorado, doit son nom à un responsable des chemins de fer et non à son caractère paradisiaque. On n’y voit guère qu’une pompe à essence, un café, un camion et un panneau indiquant qu’on y est.
Une rupture se produit lors d’un voyage en Europe, en 1968, remarque Joshua Chuang : Robert Adams y rencontre un équilibre différent entre passé, présent et nature et se dit qu’il est important de regarder ce qu’on construit chez lui. Il se met à photographier des quartiers de mobile homes et de maisons élevées à la va-vite, dans le Colorado. Mais s’il insiste sur le caractère éphémère et pas forcément heureux de ces constructions, il met toujours l’accent sur la beauté et la force de la nature autour, notamment de la lumière, qu’il capte parfois au moment où elle est la plus écrasante. La lumière fait la beauté formelle de l’image, elle est même pour lui la source de toute forme, rapporte le commissaire.
Robert Adams, Colorado Springs, Colorado, 1969, Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund.
Robert Adams, Colorado Springs, Colorado, 1969, Yale University Art Gallery, acquis grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund, et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Denver, ses détritus et son usine nucléaire
C'est un charme tout mystérieux qui se dégage quand, la nuit, un éclairage perce à l’intérieur des préfabriqués ou quand un arbre vient projeter son ombre sur la porte d’un garage.
L'équilibre entre beauté et ravages varie selon les séries. Certaines comme celles des peupliers américains, où Robert Adams capte les variations de lumière sur un arbre, ont l’air de célébrer seulement la première. Mais dans l’ombre de branches, une chouette gît, frappée par des coups de feu. Et un peuplier longtemps observé par l’artiste est menacé par des constructions.
Dans les années 1970-1980, autour de Denver, ville déjà en déclin, Robert Adams montre les papiers et autres détritus dans l’herbe, au premier plan devant une cafétéria. Il photographie aussi des gens ordinaires sur un parking de supermarché, faisant remarquer qu’ils vivent à quelques kilomètres seulement d’une usine d’armes nucléaires.
Robert Adams, Northeast of Keota, Colorado, 1969 - Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund.
Robert Adams, Northeast of Keota, Colorado, 1969 - Yale University Art Gallery, acquisition grâce à un don de Saundra B. Lane, une subvention du Trellis Fund et du Janet and Simeon Braguin Fund. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Des ciels et des vagues immuables
Alors que dans les grands espaces du Colorado, la nature semble malgré tout l’emporter, les images les plus inquiétantes sont peut-être celles du sud de la Californie (1978-1983) : le bord d’un ancien verger s’effondre, les arbres semblent chétifs, une vilaine route en béton barre l’horizon. Violentes aussi sont les images, plus récentes (1999-2003), d’arbres centenaires coupés dans l’Oregon. Robert Adams se demande au passage s’il y a "un lien entre les coupes rases et la guerre", si "elles enseignent la violence".
Une petite route qui borde un champ a pourtant l’air immuable. Et la laideur semble disparaître quand Robert Adams étudie les variations d’ombre et de lumière, à quelques instants d’intervalle, sur un grand ciel nuageux ou sur les vagues du Pacifique, déployant alors d’infinies gammes de gris.
freelens pour une photographie d’utilité public
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Robert Adams « L’Endroit où nous vivons » au Jeu de Paume – Paris
Published by Samuel on 11 février 2014
« J’ai commencé à prendre des photos par envie d’immortaliser des motifs d’espoir […] Mais chemin faisant, mon objectif a aussi enregistré des motifs de désespoirs » […] eux aussi devaient avoir leur place dans mes images si je voulais que celles-ci soient sincères et donc utiles. » Robert Adams.
Détaché des images aguicheuses qui magnifient ou dénoncent, c’est dans la douceur du traitement noir et blanc que Robert Adams présente une géographie de l’ouest américain de 1968 jusqu’au milieu des années 2000. Avec pudeur et simplicité, le portrait qu’il en dresse oscille, entre joie devant une nature offerte et lumineuse et tristesse qui souligne les marques et empreintes que l’Homme lui imprime. Et si c’est un cri d’alarme, c’est tout aussi surement un cri d’amour.
Jeu de Paume
Robert Adams « L’Endroit où nous vivons » du 11 février au 18 mai 2014 au Jeu de Paume – Paris.
© Cécile Dégremont Texte/Photos Samuel Hense
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LibérationPhoto
La Une du 24 février 2014
Robert Adams, l’Ouest sans fard
Elisabeth FRANCK-DUMAS 12 février 2014 à 17:56
«Colorado Springs, Colorado», 1969. San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York«Colorado Springs, Colorado», 1969. San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York (Photo Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery.)
PHOTO
Le Jeu de Paume, à Paris, consacre une rétrospective à l’Américain, exposant ses séries qui, à partir des années 60, montrent crûment des environnements en mutation.
C’est une photographie de noir et blanc, économe, presque frugale. Une maison au toit écrasé de soleil. Une flaque d’eau qui luit sous un réverbère. Un homme et une femme qui discutent, de dos, dans une rigole qui sert de rue au sein d’un lotissement en construction. Paysages de la modernité architecturale et mentale. Formes de désolations contemporaines à la consolante beauté.
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Depuis près de cinquante ans, le photographe Robert Adams n’a pas dévié de sa route. Inlassable chroniqueur de l’Ouest américain, il braque son objectif épris d’exactitude sur le monde qui l’entoure, ce monde qu’il a vu se parer de tous les atours de l’industrialisation, de la commercialisation galopante, et dont il ne se contente pas de déplorer les changements. Il aime à citer la poétesse russe Anna Akhmatova : «Le miraculeux est si proche des ruines sales.»
Sinistrose. La rétrospective que lui consacre le musée du Jeu de Paume, à Paris, montre la cohérence de cette œuvre patiente, construite au fil du temps, livre par livre, série par série. Les plus importantes sont présentes ici, souvent les plus anciennes : les déambulations nocturnes des Soirs d’été (1976-1982), l’urbanisation de New West (1968-1971), la sinistrose du Denver de Ce que nous avons acheté (1970-1974). Les tirages datent des années 60-70, au moment où une nouvelle génération de photographes américains s’empare de ce grand mythe national, le paysage, pour imposer un style qui tranche avec celui de leurs prédécesseurs et leurs sujets - cascades, falaises, montagnes. Ce nouveau style est une absence de style, une manière factuelle de rendre compte d’environnements en mutation, un genre de nouveau roman de la photo américaine. Leurs travaux seront regroupés, en 1975, dans une exposition de la George Eastman House devenue légendaire, «New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape» (1). Lewis Baltz et Stephen Shore sont de la partie. Robert Adams aussi.
New West_49, 7/9/07, 4:18 PM, 16C, 4626x4439 (938+2021), 100%, Custom, 1/60 s, R54.5, G28.4, B41.4 «Longmont, Colorado, 1979». Photo Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery.
Né en 1937 dans le New Jersey, Adams a grandi dans le Colorado. Après des études d’anglais en Californie, il y revient en 1965, pour enseigner. La région a changé. Il se met à la photo pour immortaliser ce qu’il aime - une église méthodiste, des monuments funéraires. Mais un voyage en Scandinavie (sa femme, Kerstin, est suédoise) et la découverte de l’architecture moderniste lui enseignent qu’il est possible de vivre en harmonie avec le paysage et l’histoire. A son retour, il se tourne vers des constructions contemporaines, si possible banales : une halte routière (Eden), des maisonnettes de bois (New West).
Graminées. Le titre de l’exposition, «L’Endroit où nous vivons», est emprunté à la monographie publiée chez Steidl à l’initiative de l’université Yale, aux Etats-Unis, qui détient la plus importante collection de tirages d’Adams et où la rétrospective commença en 2012. Le titre anglais, The Place We Live, est plus juste : il s’agit du lieu «que» nous vivons, dont nous faisons l’expérience. Car le tour de force de ces photos, humbles de format et de sujet, est de donner à éprouver ce que serait de s’y tenir. Par la justesse de la lumière, qui rend le flash cru d’un soleil du Colorado, le laiteux d’un smog californien. Par un premier plan souvent détaillé, qui fourmille de petits riens sensuels : le granuleux d’une route goudronnée, le duveteux de graminées qui se balancent dans le vent et célèbrent la nature envers et contre tous. Par le choix de sujets d’une quotidienneté universelle - une maison, la nuit, alors que l’on se promène un soir d’été. Ces artefacts de l’urbanisation qu’il a, selon les mots du génial critique et conservateur John Szarkowski, «rendus non pas beaux, mais importants.»
(1) «Nouvelles topographies : photographies d’un paysage modifié par l’homme.»
Elisabeth FRANCK-DUMAS
L’endroit où nous vivons de Robert Adams Musée du Jeu de Paume, 75008. Jusqu’au 18 mai. Rens. : www.jeudepaume.org