POLKA
LE CLUB RECOMMANDE
EDITO
A nos lecteurs, en ces jours périlleux
Un an jour pour jour. Ou presque. Le 17 mars 2020, la France entrait “en guerre”, selon le mot choisi par le chef des armées. Un an après, l’heure est aux bilans. Des malades morts du Covid-19: plus de 91.000 en France, 2.670.000 dans le monde. Et des entreprises tombées au champ d’honneur de la crise. Leur nombre est incalculable, foudroyant dans sa progression. Il y a celles qui sont déjà mortes. Celles qui vont mourir. Et une troisième catégorie: les survivantes. Nous en sommes.
Polka, comme beaucoup de petites entreprises adolescentes, a souffert et souffre encore de ces mesures drastiques et restrictives de libertés sans précédent dans l’Histoire, sauf à remonter à l’occupation nazie ou jusqu’à Charles le Bel, qui fut le premier, en 1322, à instaurer le confinement pour éliminer ces maudits lépreux qui “contaminaient” les bons chrétiens.
Dans les deux cas cités, on notera que c’est un pouvoir totalitaire ou absolu qui imposait, sans sourciller, son diktat. En démocratie, c’est une autre paire de manches! Mais, si le droit de gémir et de critiquer s’exerce allègrement, si des aides généreuses – et osons dire, sans s’en sentir redevables en rien, “merci, monsieur le Président” – ont été accordées, il n’empêche que la situation financière de bon nombre d’entreprises, dont la nôtre, reste fragile, que ces aides bienvenues ont créé en contrepartie des dettes, qu’en conséquence immédiate les banques ont redoublé de vigilance cupide, et que le pire dans tout ça est que l’horizon demeure désespérément bouché, qu’on ignore si la prochaine expo ne sera pas annulée, tel festival, différé, ou telle grande foire internationale, renvoyée aux calendes grecques.
Toute crise laisse entrevoir sa date de sortie à quelques semaines ou mois près. Et on en a connu un paquet, à Polka, depuis notre création en 2007. Mais cette fois, pour la première fois, personne n’est capable de dire quand on s’en sortira… si on s’en sort.
Face à ce constat, il nous a fallu, à Polka, réagir. Adapter notre contenu éditorial sans rien céder de nos exigences de qualité, d’authenticité et de respect envers vous qui avez droit au meilleur dans nos pages, sur nos murs et nos sites Internet.
Ce numéro 52 de Polka Magazine est différent des précédents. Sa pagination est plus légère. Vous n’y trouverez pas les habituelles productions de reportages, ni les sujets achetés sur le marché. Trop chers pour nous, en ces jours si périlleux qui nous imposent des économies. La place au cœur du magazine est donc accordée aux photographes qui exposent en même temps dans nos espaces de la rue Saint- Gilles à Paris, dans les foires internationales, ou sont présentés sur notre site marchand, étant ainsi rémunérés par les ventes de leurs tirages.
Le résultat éditorial est là, entre vos mains. Feuilletez et lisez ce numéro. Dites-nous ce que vous en pensez.
Le sommaire est riche de surprises, de controverses, de réflexions, de photos et de textes, qui, ensemble, apportent du sens.
Parmi les sujets et rubriques:
- La grande rétrospective de Steve McCurry, montrant, au-delà de la seule beauté des images et des cadrages, comment on photographiait dans les années 1980 et 1990 des pays qualifiés à l’époque d’“exotiques”. Et quel regard, jugé aujourd’hui méchamment “postcolonial”, était porté sur ces populations parmi les plus pauvres. Steve McCurry répond, se défend contre les reproches qui lui sont faits d’avoir trop retouché certaines de ses icônes: “Je suis un poète qui s’exprime non pas avec les mots, mais en images. Ce qui me rend libre de faire ce que je veux.” En gros: “Fichez-moi la paix!”
- La très belle série sur la fête de Cha Gonzalez, avant et pendant la crise sanitaire. La reporter française a photographié ces jeunes qui dansent, s’embrassent, s’enlacent. Des photos belles et lascives, enrichies des analyses du sociologue Christophe Moreau et du neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
- La grande invitée: Bieke Depoorter. La photographe parle de l’évolution de son agence, Magnum, du métier et de son éthique: “Dès lors que des gens nous font assez confiance pour accepter d’être pris en photo, on a une responsabilité envers eux.”
- Le Prix Polka 2020 à Eric Bouvet, distingué pour la globalité de ses témoignages sur le confinement et la pandémie.
- La rubrique livres, présentée au début du magazine. Avec, en ouverture, le bel ouvrage de Fabio Ponzio sur les peuples de l’Est.
Un tel sommaire, à un tel moment, est rendu possible grâce au concept original de Polka qui associe, en totale synergie éditoriale, votre magazine à cette activité, essentielle à notre modèle économique, de vente de tirages. Soit à la galerie Polka, que vous connaissez bien; soit à la Factory Polka qui, après un an et demi d’existence, malgré les mois de confinement et les restrictions, connaît un développement rapide, au 14 de la rue Saint-Gilles et sur le Web, auprès d’un large public disposant de budgets plus modestes.
En faisant de ce système de rémunération une règle pour les photographes auteurs de grands sujets, le magazine équilibre ses finances, condition première, en période de crise aussi grave, pour éviter de rendre l’âme. Et mieux encore: gagner un supplément d’âme.
Car, sauf à considérer que notre métier d’éditeur de photographies, mais aussi de beaux textes à la hauteur de celles-ci, consiste à encourager l’abattage de forêts de sapins du Nord, cette baisse de pagination est largement compensée par un développement du contenu numérique, dont témoigne notre newsletter, envoyée chaque vendredi. C’est désormais sur le Web que vous pouvez voir et lire les articles “Chaque photo a son histoire”, ainsi que des réactions ou éditoriaux le plus souvent liés à des images d’actualité, beaucoup mieux adaptés à la cadence du numérique qu’au rythme trimestriel d’une édition print.
Notre amour du papier, support naturel d’une photographie publiée ou exposée, est aussi fort que notre implication dans le numérique, outil formidable de diffusion et de commercialisation de l’image. L’un n’empêche pas l’autre. Et l’un ne doit pas ralentir l’autre dans son impérieux développement.
Voilà ce que nous avions à vous dire.
Face à la crise actuelle qui, hélas, est loin d’être derrière nous, Polka Magazine adapte son édition papier afin de continuer à imprimer le meilleur de la photographie. Non pas trois fois par an, mais quatre fois par an, comme l’actualité et le calendrier de nos expositions l’imposent. Non plus à 9.90 euros le numéro, mais à 7 euros (avec une réduction égale pour les abonnements).
Il est rare de baisser le prix d’un magazine. Mais il y a une logique. La pagination baisse. Donc le prix baisse. Mais pas la qualité, puisqu’elle n’a pas de prix. Et c’est aussi une façon de nous rapprocher de vous qui rencontrez sans doute, comme nous, comme tout le monde, des difficultés.
Partageons-les ensemble.