MoÏ Wer


LA PHOTOGRAPHIE de A à Z,  LES GRANDS PHOTOGRAPHES




Moï Wer, le moderniste

A Paris, la Fondation Henri Cartier-Bresson expose le travail rare d’un photographe issu du mouvement Bauhaus. A découvrir



« Ci-contre » devait rassembler les photographies de Moï Wer dans
un ouvrage (jamais publié) dont il réalisa la maquette en 1931.
ARCHIVES ANN ET JÜRGEN WILDE, ZÜLPICH/COLOGNE



L’histoire de ce photographe génial est à peine croyable.
Un artiste dont tout le fonds de tirages ou presque a disparu. Qui pratique dans les
années 1920-1930 puis abandonne la discipline. Qui a changé plusieurs fois de nom mais qu’on retiendra sous celui de Moï Wer.
Ce photographe extraordinaire est né en 1904 dans l’actuelle Lituanie et mort en 1995 en Israël. Un inconnu du grand public. Mais un mythe pour les initiés. En France, le Centre Pompidou possède un seul de ses clichés. La Fondation Henri Cartier-Bresson
expose principalement 110 de ses tirages. Ils ont été rassemblés par lui en 1931 sous forme de maquette afin d’être publiée par un éditeur allemand qui la gardera jusque dans les années 1960. A cette époque, un couple de collectionneurs allemands en fait
l’acquisition.

  1. MOÏ WER CI-CONTRE 12 septembre – 23 décembre 2012

    www.henricartierbresson.org/prog/PROG_expopup1a_fr.htm
    La Fondation HCB présente du 12 septembre au 23 décembre 2012 une exposition du photographe lituanien Moses Vorobeichic dit Moï Wer puis Moshé Raviv ...



Prises de vue superposées                                                                                           L’intérêt de l’ensemble tient aux assemblages que Moï Wer opère. Il arrive souvent que ses images soient des superpositions de prises de vue. Les lignes des arbres sont
mélangées à celles des bateaux à voile par exemple. Moï Wer aime aussi juxtaposer des images abstraites qui reprennent des surfaces variées : celles de feuilles, celles de
pavés, celles de briques, de sols divers qui finissent par former des compositions géométriques.
Dans un deuxième temps, sur sa double page, l’artiste joue par associations d’idées. D’un côté, il place un tirage au fond quadrillé sur lequel il a pris une feuille remarquable par ses nervures ; d’un autre, une vue de ville la nuit aux pavés en clair obscur. D’un
côté, une jeune fille allongée dont on ne voit quasiment que la chevelure ; d’un autre, une scène de marché aux puces au centre de laquelle trône une poupée. Les
rapprochements sont remarquables. Il faut dire que Moï Wer a été à bonne école, car, après avoir suivi de classiques cours de beaux-arts, il a rejoint en 1927 et 1928 à Dessau la mythique école du Bauhaus où il va suivre les cours de Joseph Albers, Paul Klee et Wassily Kandinsky. Ici, on ne fait pas de différence entre un présumé « grand
art » et les arts appliqués. La photographie est considérée comme une discipline noble. C’est manifestement là qu’il met au point son vocabulaire. En 1928, il se rend à Paris et la ville l’enthousiasme. De son travail photographique dans ce qui est alors la capitale
mondiale de l’art moderne, il tire un livre qu’il publie en 1931 avec une préface de Fernand Léger (1).
Moï Wer a suivi des cours auprès du maître cubiste à l’Académie moderne. L’ouvrage est salué par la critique et le photographe commence à travailler à Paris pour une
agence de presse.La même année, donc, il réalise la maquette de son prochain ouvrage qu’il baptise « Ci-contre », celle-là même qu’on peut voir à la Fondation Henri Cartier-Bresson.


Légendes : Moï Wer (Moshe Raviv-Vorobeichic) © Archives Ann et Jürgen Wilde, Zülpich/Cologne, 2012




Moï Wer passe par les beaux-arts avant de travailler au Bauhaus à partir de 1927. Il y suit les cours de Josef Albers, de Paul Klee, de Kandinsky. Il débute sa carrière en 1929 en faisant la photographie du quartier juif de Vilius. Dans la continuité, il publie un livre consacré à Paris qui inaugure sa renommée.
Son langage est d’une modernité révolutionnaire : il mélange, combine, colle et agrandi  les images à l’aide de photomontages décalés qui renvoient tant au cinéma qu’à la poésie surréaliste.
Au demeurant, son travail reste fortement axé sur le quotidien : personnages en action, natures mortes brutes et paysages qui se font oniriques. Lecture parralèle d’une histoire commune.
Des vues en contre-plongée, des perspectives inattendues et des contrastes mélangeant adroitement douceur et brutalité ont pour effet de transporter le public dans un monde enfiévré, insolite, voire d’une inquiétante étrangeté.






“Beauty is all around us in a swarm, but you have to see it, isolate it, and frame it with a lens.” This is how Fernand Léger described the work of the Lithuanian photographer Moses Vorobeichie, say Moï Ver, or aka moï Wer, in the introduction to his legendary book Paris, published by Jeanne Walter in 1931.
The 110 photographs currently on display at the Fondation Cartier-Bresson were taken from Ver’s third grand project, Ci-Contre (1931).
The work of Moï Ver falls within the scope of his life’s path, and at the same time reflects the currents that influenced art from the period, from the “Nouvelle Vision” and the cinematographic advances of the time, to classes at the Bauhaus school given by Paul Klee, Wassily Kandinsky and Hinnerk Scheper until 1928. The writings of El Lissiktzky and Moholy-Nagy, the films of Eisenstein, and the photomontages of John Heartfield all pushed him away from painting toward photography. In 1928, he moved to Paris and enrolled at the École Technique de Photographie et de Cinématographie. In 1929 he produced his first project: a report on the Jewish neighborhood in his hometown Vilnius, which was published in 1931 by Orell-Füssli as Ein Ghetto im Osten, Wilna.
His second project was the famous Paris, also published by Jeanne Walter in 1931. Only a few copies of this work remain.
The third project, Ci-contre, finally appears at the Fondation after a journey that reads like a detective novel.
Read the full text of Bernard Perrine’s article in the French version of Le Journal.



Comète                                                                                                                              Mais l’Histoire, la grande, se mêle de celle du jeune photographe qui part s’installer en 1934 dans un territoire qui se nomme encore Palestine. Il reviendra en 1937 réaliser
une série sur les Juifs en partance pour la Terre promise dont on peut aussi voir des images à Paris.
Hélas, Moï Wer a alors perdu sa verve moderniste dont il s’était imprégné lors de son séjour au Bauhaus. Les images ressemblent davantage à du photoreportage qu’à de l’art. La suite de sa carrière sera consacrée à une peinture mystique et à du design graphique.
Moï Wer, le photographe du Bauhaus, n’aura été qu’une comète dont la mémoire subsiste grâce à quelques collectionneurs chanceux mais généreux.


Judith Benhamou-Huet - Les Echos, 14/09/2012

(1) Le livre « Paris » de Moï Ver a été republié en 2004 par les éditions de Karl Lagerfeld 7L.

L’exposition CI-CONTRE. 110 PHOTOS DE MOÏ WER. A Paris, Fondation Henri Cartier-Bresson jusqu’au 23 décembre. www.henricartierbresson.org


L’histoire de l’artiste d’origine lituanienne, Moses Vorobeichic dit Moi Wer (puis Moshe Raviv) est extrêmement complexe et encore méconnue. Né en 1904 près de Vilnius, il commence par y étudier la peinture avant de se rendre à Dessau pour suivre les enseignements du Bauhaus en 1927/28. Il est particulièrement sensible à l’enseignement de Josef Albers et suit les cours de Klee, de Kandinsky et découvre les travaux de Moholy-Nagy. Son intérêt pour les films d’Eisenstein et les montages d’Heartfield l’oriente vers la photographie.
A l’automne 1928, il quitte l’Allemagne pour Paris où il suit les cours de l’école de Vaugirard ainsi que ceux de Fernand Léger à l’Académie Moderne. Devenu photographe indépendant, Vorobeichic retourne à Vilnius en 1929 pour y photographier le ghetto. Ces images feront l’objet de son premier ouvrage paru en Suisse en 1931 : Ein Ghetto im Osten, Wilna. Il se consacre alors à son deuxième grand projet Paris ; le livre est publié en 1931 aux Editions Jeanne Walter, préfacé par Fernand Léger. Il travaille alors pour l’agence Globe-photo et ses reportages sont publiés dans Vu, Regards, Bifur ou Arts et Métiers graphiques.
Au cours de l’année 1931, Moi Wer se consacre à la réalisation de l’ouvrage Ci-contre où il reprend le principe de son livre précédent : montages et superpositions très cinématographiques, qui renvoient à la vision qu’il a de Paris, organique, fourmillante et en mouvement. Il adresse la maquette complète comprenant 110 tirages en vis à vis à Franz Roh à Munich. Celui-ci cherche un éditeur mais les bouleversements politiques et le départ de Moi Wer pour la Palestine en 1934 il résidera en Israël jusqu’à sa mort en 1995 font que cet ouvrage ne sera finalement pas publié à l’époque. En 1968, les collectionneurs allemands, Ann et Jürgen Wilde, acquièrent la précieuse maquette et tentent de retrouver son auteur. Deux ans plus tard c’est chose faite et une correspondance s’établira entre eux. En 2004, après avoir acquis les droits sur cet ouvrage, ils publient un fac-similé de la maquette originale de Moi Wer, disponible dans l’exposition.



« Ci-contre » de Moï Wer
Fondation Henri Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis 
75014 Paris
contact@henricartierbresson.org
Accès et horaires :
Métro : Gaité, ligne 13
Edgar Quinet, ligne 6
Bus : Lignes 28 et 58 arrêt Losserand-Maine 
Ligne 88, arrêt Jean Zay - Maine
Ouvert du mardi au dimanche de 13h à 18h30, le samedi de 11h à 18h45, nocturne le mercredi jusqu'à 20h30. Dernière entrée 30 mn avant la fermeture. Fermé le lundi
Entrée :
6EUR plein tarif
4EUR tarif réduit 




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